Dans son ouvrage "L'astrologie ça marche!... trop, itinéraire d'une astrologue déchu", le lyonnais Serge Bret Morel, ancien astrologue, explique comment il en est arrivé à remettre totalement en question cette pratique. Une démarche critique sans concession sur les coulisses de cette profession.
Le débat est presque aussi vieux... que les étoiles. D'un côté, les accrocs à l'astro, qui attendent chaque matin leur horoscope, ou qui consultent régulièrement leur astrologue favori(te).. Et de l'autre, les cartésiens du réel, qui se moquent gentiment de ces prédictions venues des étoiles, qui n'ont pour eux... aucun sens.
Au milieu, on retrouve désormais Serge Bret-Morel, dont la particularité est d'être passé d'un monde à l'autre. Esprit plutôt cartésien, cet ancien enseignant en mathématiques, titulaire d'un master en histoire et philosophie des sciences, fut pourtant un fervent astrologue, au point de figurer parmi les membres du bureau de la Fédération des astrologues francophones. "L'astrologie accompagnait ma vie parallèlement à mes autres activités", raconte l'auteur, qui concède : "donc cartésien, oui, au sens populaire du terme".
Dans un livre "l'astrologie... ça marche trop! ", publié aux éditions de la Route de la soie, il dialogue avec Elisabeth Feytit et raconte son parcours, d'astrologue amateur à passionné... qui est devenu finalement l'un des plus critiques à l'égard de cette discipline : "Au départ, j'étais en fac de sciences, en maths et en physique à la Doua à Villeurbanne et c'est à cette période que j'ai commencé à monter des thèmes astraux. Je me suis interrogé sur moi et tous les gens autour de moi s'intéressaient à ce que je faisais." Assez vite, l'esprit critique prend davantage de place "Lorsque je suis passé en philosophie, j'ai commencé à prendre du recul sur ce que je faisais".
Une pratique... à l'opposé de toute démarche scientifique
Mais d'abord, comment définir l'astrologie ? "L'idée de la croyance astrologique, c'est de se dire que si les planètes sont à un endroit du ciel, à un moment donné, ce n'est pas par hasard... Donc, lorsque l'on applique ça à un individu, par exemple, la tradition a développé la thèse que le moment de naissance est important. Et donc que les positions des planètes à la naissance, vues de la Terre, permettraient de dire des choses sur la personne concernée, et voir son avenir. En tout cas, c'est ce qu'affirme l'astrologie." Une définition à laquelle notre ancien astrologue, pourtant scientifique, avait adhéré. "Au début, lorsqu'on s'intéresse à l'astrologie, on se penche très peu sur ses fondements. Il n'y a pas de lien entre la théorie et la pratique, comme pour la science par exemple. En sciences, on teste des hypothèses avec des protocoles rigoureux. Alors qu'en astrologie, cette démarche n'existe pas, en tout cas pas au sens rigoureux du terme."
Amateur, puis passionné, il décide de comprendre les coulisses de l'astrologie
Un astrologue répondra sans doute qu'il teste sa pratique quotidiennement, et avec succès. "Ce n'est pas la même chose. Un astrologue va lancer des interprétations, voir si cela parle à son client. Puis il va discuter avec lui, et lui donner, au final, des conseils à la fois un peu psychologiques et philosophiques. On est à l'opposé d'une démarche scientifique." Dans ce cas, comment a-t-il pu y participer ? "Moi, quand je suis tombé là-dedans, j'étais uniquement dans la pratique. J'ai monté mon thème de naissance et je me suis interrogé sur moi-même, et ensuite je faisais pareil avec les gens autour de moi. Cela intéresse toujours les gens."
Serge Bret-Morel est même devenu, en 2003, membre du bureau de la fédération des astrologues francophones, une association créée en 1996 pour jouer le rôle de syndicat des astrologues. "Il s'agissait de monter une structure permettant de réglementer et représenter la profession. A l'époque, le ministère du travail avait encouragé les astrologues à mettre en place cette organisation. Mais ces derniers n'ont jamais réussi à s'entendre. Cela fait partie des nombreuses choses dont on ne parle jamais. Les coulisses du milieu astrologique, c'est un peu le contraire d'un accord commun. Il n'y a pas une astrologie, il y a plein de courants différents, et donc... des tas d'astrologie différentes" raconte notre auteur. Jusqu'au moment où il décide de faire les choses sérieusement. "Je me suis dit qu'il n'était pas normal que l'astrologie ne soit pas véritablement reconnue. Quand on entend des sceptiques en parler, on voit bien qu'ils ne connaissent pas le sujet." Il se met alors en tête de prouver le bien-fondé de cette discipline.
Les horoscopes n'auraient absolument aucune valeur... astrologique
Il faut d'abord faire la différence entre l'astrologie et l'horoscope. "Quand on monte ce que l'on appelle des "thèmes de naissance", on rentre vraiment dans le fond du sujet. On pratique et on classe les planètes dans le zodiaque au moment de la naissance d'une personne et puis on essaye d'interpréter ce que l'on y trouve, en se référant plus ou moins à la tradition astrologique" explique Serge.
Ce qui diffère d'un horoscope : "C'est une caricature de thème astral, qu'on utilise pour faire des prédictions", explique-t-il. Les deux restent pourtant indissociables. "C'est l'un des reproches que je fais. Les astrologues devraient de se mettre tous d'accord et demander que les horoscopes disparaissent. Quand j'étais membre de leur bureau, on avait contacté le ministère et les medias pour que cela soit arrêté, car c'est totalement caricatural."
Selon lui, les horoscopes n'auraient donc aucune valeur... "Aucune, ni d'un point de vue rationnel ou scientifique, ni même d'un point de vue astrologique. Cela ne tient pas debout. Quand il monte un horoscope pour un signe, soit pour un douzième de l'humanité, un astrologue est obligé de retirer 90% des paramètres. Par exemple, les horoscopes ne tiennent pas compte des maisons astrologiques, ou, si vous préférez, des ascendants. Ce qui veut dire que dans votre thème astrologique, vous allez peut-être trouver exactement l'interprétation contraire à celle que vous lirez dans votre horoscope du jour." En clair, pour notre néo-sceptique, les horoscopes sont tout bonnement contraires à la pratique même de l'astrologie classique.
Cette astrologue célèbre... qui n'a jamais vraiment existé
Serge Bret-Morel raconte également qu'au fil de ses recherches, il a un jour appris qu'une célèbre astrologue française, Alexandra Marty, qui était auteure d'horoscopes quotidiens dans l'un des plus importants journaux au début des années 2000... n'existe pas! Ses prédictions étaient en fait le fruit de phrases produites par un simple logiciel, retouchées ensuite par plusieurs journaux avant d'être publiées. "Ces horoscopes étaient en fait un mélange de phrases tirées au sort dans d'autres horoscopes. Et ça marchait tout aussi bien" commente Serge.
"Lorsque ça marche aussi bien, alors que l'on a devant soi des phrases choisies au hasard, cela démontre que cela n'a rien à voir avec de l'astrologie. C'est en fait simplement lié à des biais cognitifs, ou, si vous préférez, au fonctionnement de notre cerveau. C'est aussi ce que l'on appelle l'effet "barnum". C'est à dire le fait de se reconnaître dans des énoncés qui sont tout à fait ordinaires, et que l'on s'approprie, alors qu'en fait ces énoncés ne font que décrire l'être humain. C'est le piège du feeling." Dans sa quête de vérification, Serge Bret-Morel estime anormal qu'aucun astrologue, d'un point de vue déontologique, ne parle jamais de ça. "Je ne suis pas le premier à le dire. De nombreux intellectuels l'ont fait avant moi" précise cet ancien adepte.
Les signes astrologiques liés aux saisons... n'ont aucune logique
Mais il s'indigne également de l'idée que l'on puisse laisser croire qu'un signe astrologique puisse définir un individu. Par exemple, le "Bélier fonceur" ou la "Balance hésitante"... J'ai d'abord voulu y croire... mais quand on teste cette théorie, on voit très vite que cela ne fonctionne pas". Il prend l'exemple des Lions. "On dit d'eux qu'ils sont flamboyants, que c'est un signe d'été, que l'on représente avec le soleil qui brille...On oublie que tous les Lions originaires d'Australie, Afrique du Sud et Amérique du sud... sont nés en plein hiver. Mais vous aurez toujours des astrologues sur des plateaux de télé qui vous expliqueront que l'on définit la personnalité des gens en référence aux saisons. Sauf que les quatre saisons... c'est seulement européen. Quand vous commencez à vous lancer dans les fondements de l'astrologie, vous constatez que ce critère des saisons ne tient pas."
Dans son livre Serge Bret-Morel explique tout simplement que nous sommes plus ou moins conditionnés. "Dans une expérimentation, si vous testez des gens qui ne connaissent pas l'astrologie, vous verrez qu'ils ne se reconnaissent pas davantage dans un signe que dans un autre." Pour lui, les raisons du succès de cette pratique sont ailleurs : "Plus on connaît l'astrologie, plus on s'y retrouve. Je pense même que certains stéréotypes se sont installés dans la société, notamment du fait des horoscopes diffusés quotidiennement." A vous de le croire... ou pas.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les chaines youtube des deux auteurs : Astroscept et Méta de Choc