Des scientifiques du Centre Léon Bérard de Lyon tentent d’identifier des cellules pouvant être à l’origine de cancers. Leur étude pourrait constituer une avancée notable dans la prévention et la lutte contre cette maladie.
“Une porte ouverte vers l’avenir”. C’est ainsi que le docteur Julien Marie, directeur de recherche pour l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) au Centre de Recherche en Cancérologie à Lyon, décrit la découverte de son équipe : certaines cellules immunitaires peuvent être à l'origine de cancers.
Le constat initial : un peu moins de la moitié des cancers se développent après une inflammation chronique. “Pour faire simple, par exemple, s’il y a une inflammation chronique sur quelques centimètres au niveau de l'intestin, c'est sur cette zone que va se développer le cancer”, explique Julien Marie.
Un diagnostic préventif du cancer
Son équipe a cherché à identifier les cellules responsables de ce mécanisme. Il s’agit en fait de certains globules blancs qui jouent un rôle majeur dans le système de défense immunitaire. On y retrouve par exemple les lymphocytes, dont on connaît déjà l’implication dans différentes maladies inflammatoires comme la maladie de Crohn, la pancréatite, etc.
Au contact de ce type de globules blancs, les cellules saines d'un organe peuvent devenir cancéreuses. Or, Julien et son équipe ont détecté que ces lymphocytes inducteurs de cancer possèdent des marqueurs qui permettent de les identifier.
Cette découverte est d’autant plus importante, qu’elle peut permettre, non seulement un diagnostic précoce, mais surtout un diagnostic préventif, avant même que le cancer ne se développe.
Docteur Julien Marie
"Autrement dit, si l’on sait qu’un patient a ce type de lymphocytes, il est plus susceptible de développer un cancer, et donc, nécessite un suivi médical plus régulier”, explique le chercheur.
"Six ans que l'on travaille dessus"
Mais leur découverte ne s’arrête pas là. Les scientifiques ont aussi trouvé une protéine, la cytokine TGF-β, qui empêche le développement de ces lymphocytes dans l’organisme. Pour le docteur Julien Marie, “il serait donc possible de contrôler l’apparition de cette population de cellules”, et donc, ouvrir la voie à des traitements. “Toute l’équipe est assez fière et contente, cela fait six ans que l’on travaille là-dessus”, se réjouit-il.
Se pose alors la question des dangers que pourraient représenter les immunothérapies qui boostent le système immunitaire pour combattre le cancer. Si un patient a ces lymphocytes inducteurs de cancer, l’immunothérapie, censée le soigner, pourrait lui déclencher un autre cancer.
Jusqu’à présent, on était persuadé que le système immunitaire allait “manger”, “détruire”, le cancer. Tout n’est peut-être pas aussi simple”
Docteur Julien Marie
Une nouvelle étape de franchie dans la recherche contre le cancer. Désormais, différentes hypothèses doivent être testées. “Pour qu’un traitement puisse être appliqué aux patients, c’est très long. Il y a beaucoup d’étapes avant l’autorisation de mise sur le marché”, souligne le docteur Julien Marie. Un travail d’encore au moins 7 à 8 ans.