Le 11 mai 1987, il y a 30 ans, Klaus Barbie comparaissait devant la Cour d’Assises du Rhône pour crime contre l’humanité. Un procès hors norme : 8 semaines d'audience, 149 parties civiles, des journalistes du monde entier.
Le Boucher de Lyon, c’était son surnom : un homme froid, pur produit de l’idéologie nazie, qui s’est tristement illustré par la traque de Juifs, de résistants, de francs-maçons d’Amsterdam (1940-41) à la Russie (1941-42) puis à Lyon (1942-1944). Ses méthodes : torture, déportation ou exécution.
Un professionnel de la traque, la torture et la mise à mort
En Russie, il est chargé de débusquer les partisans à l’arrière des lignes allemandes.
En France, il est affecté à Gex, puis Dijon, pour finir à Lyon au KDS ( Kommando der Sipo-SD). En février 1943, il prend la direction de la Gestapo de la région.
Il y fera exécuter ou concourra à la mise à mort de centaines de juifs, de résistants et d’otages, jusque dans les derniers jours de l’occupation (au siège de la gestapo, à la prison de Montluc, au terrain militaire de la Doua, à Bron, ou encore à Saint-Genis-Laval, mais aussi dans l’Ain et le Jura lors de la traque de maquisards)
Criminel jusqu’au bout du bout
C’est lui qui traquera et torturera Jean Moulin, comme des centaines de personnes, résistantes ou non. C’est toujours lui qui supervisera la déportation des 44 enfants d’Izieu et 7 adultes, le 6 avril 1944. C’est encore lui, le 11 aout 1944, qui organisera le dernier convoi de déportés avec 650 personnes dont 342 non-juifs et 308 juifs.
Après la Libération de la France, Barbie parvient, blessé, à gagner la ville de Baden-Baden en Allemagne. Il termine la guerre à Wuppertal (Rhénanie-du-Nord-Westphalie).
Protégé et exfiltré par les américains
En 1945, il participe à un réseau de résistance nazie en Allemagne. Il est arrêté plusieurs fois, mais cache sa véritable identité. Il est ensuite recruté par un réseau de renseignement anticommuniste financé par les services secrets de l’armée américaine.
Il sera interné aussitôt au fort Montluc à Lyon à la demande du ministre de la justice de l'époque Robert Badinter. Une mesure symbolique puisque c'est là qu'officiait la barbarie nazie incarnée par un certain Klaus Barbie.
Le procès
Les règles du tournage confié à FR3 sont très strictes. Un magistrat du Parquet veille en régie. Les cassettes sont remisées dans un coffre-fort à l'issue de chaque journée.
La presse du monde entier est présente : 600 journalistes et techniciens dont 50 pour la seule chaîne américaine CBS, suivront les audiences.
Au 3e jour du procès, Klaus Barbie refuse d'assister au débat. La parole des victimes devant ce box vide se libère.
Les témoignages
L'absence de Klaus Barbie va permettre au récit des 149 victimes d'occuper toute la place. Pour certains, c'est la première fois qu'ils en parlent en public.Sabine Zlatine, directrice de la colonie d'Izieu en 1943 demande alors des comptes
Je demande : Les 44 enfants, c'était quoi, c'était des résistants ? c'était des maquisards ? Qu'est-ce qu'ils étaient ? C'était des innocents
Les familles ont entendu à ce moment leurs proches raconter toute l'horreur de ce qu'ils avaient vécu. Les témoins sont convaincus que le temps de la parole est venu. Qu'il est indispensable de tout dire pour que la vérité éclate et que tout le monde soit au courant. Que personne ne puisse encore dire On ne sait pas.
Le procès
Le 4 juillet 1987, il est quasiment une heure du matin quand le verdict tombe. Klaus Barbie est condamnée à la perpétuité. C'est la première fois qu'en France un homme est condamné pour un crime contre l'humanité.
Il restera impassible, figé.
La veille avant le délibéré, il s'était exprimé en français :
Je n'ai pas commis la raffle d'Izieu. Je n'ai jamais eu le pouvoir de décider la déportation. J'ai combattu la résistance, que je respecte, avec dureté mais c'était la guerre et la guerre c'est fini.
Or l'ordre écrit existe. La maison d'Izieu expose le document.
La transmission de la mémoire
6 avril 1944, 47 enfants et 7 éducateurs sont raflés puis gazés. La maison d'Izieu est là pour porter leur parole. Le Mémorial d'Izieu conserve le photostat du télégramme de Barbie relatif à la rafle d'Izieu : il annonce la rafle de la colonie d’Izieu, dénombre les personnes arrêtées et mentionne leur transport à Drancy le 7 avril 1944. Ce document, provenant des archives du Juge Falco, avait été produit au procès de Nuremberg. "Cette pièce a servi à établir le crime contre l'Humanité, au nom de la France, au procès de Nuremberg," explique Dominique Vidaud. "Au procès de Barbie en 1987, c'est l'original qui a été produit." La Maison d'Izieu s'est ainsi trouvée en 1987 au coeur du procès du "boucher de Lyon". Une seule personne a survécu à cette rafle du 6 avril 1944 : Léa Feldblum, monitrice. Elle témoigna au procès...