En Savoie, une décision de justice suscite indignation et incompréhension à Villard Bernon, près de Saint-Michel-de-Maurienne. Des habitants de ce hameau sont opposés à la construction d'une centrale hydroélectrique sur un torrent. Mais la cour d'appel de Lyon leur a donné tort. Le chantier peut donc commencer, mais les opposants ne veulent pas en rester là.
L'eau du torrent du Vigny, situé dans un paysage de carte postale, sème la discorde entre les habitants et le porteur de projet d'une microcentrale hydrolélectrique. La rivière est située dans les hauteurs de Saint-Michel-de-Maurienne. L’eau dévale 625 mètres de dénivelé avec un débit d’eau important.
Le torrent du Vigny est un joli coin de nature, rafraichissant en été, apprécié des randonneurs et des pêcheurs. Les aménagements en palier datent des années 30, pour lutter contre les inondations.
Pour les habitants, il est hors de question de voir s’implanter dans ce cadre cette microcentrale hydroélectrique. Pour Annie Collombet, co-présidente de l'association "Vivre et Agir en Maurienne" : "C’est un endroit qui est magnifique en toute saison puisqu’en hiver il y a la neige, le torrent est gelé. En automne, il y a toutes les couleurs. Au printemps, les fleurs. En été, de l’ombre. C’est un endroit magnifique l’on s’apprête à saccager."
Le débit du torrent au cœur de la discorde
Les opposants affirment que les travaux se dérouleraient à l’intérieur d’une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff). Ils estiment que la création d’une prise d’eau pourrait assécher la rivière ou presque, en aval. Le débit restant serait insuffisant.
Pierre-Louis Remy, de l'association "Vivre et Agir en Maurienne", rapporte que "le débit qui est envisagé, va poser problème pour tous les usages agricoles et pour tous les usages piscicoles qui sont l’un et l’autre très importants."
Valentin Peyret, directeur technique de Yethy, la société à l'origine du projet, contredit ces arguments. Selon lui, la centrale est "à proximité de Znieff et pas dans la zone d'intérêt écologique. Et même si elle était dans la ZNIEFF, ça n’empêcherait pas le projet". Il explique en outre l'intérêt du projet : "C’est un projet de haute chute. Le principe de faire une centrale hydroélectrique, c’est que la puissance est donnée par la chute et le débit. L’intérêt d’une haute chute, c’est qu’on n’a pas besoin de gros débit." Une puissance confortable avec peu d’eau.
En d'autres termes, il assure qu'un "débit réservé" serait assuré pour le milieu environnant. "On a des études environnementales à faire une fois que le chantier est construit pour suivre l’impact que le projet a sur le milieu naturel. Et si un impact relevé n’était pas prévu, le débit réservé peut être ajusté par la suite. Donc, c’est contrôlé par l’administration."
Par ailleurs, la minicentrale hydraulique fonctionnera seulement en cas de présence d'eau. Elle ne pourra donc pas fonctionner toute l'année, notamment l'hiver et à la fin de l'été où le débit est moins important.
Un manque de concertation évoqué dans les deux camps
Les habitants regrettent également un manque de discussion. Sur ce point, la société Yethy se veut être "dans un esprit de dialogue". Valentin Peyret assure qu'il "aimerait avoir une réunion avec les élus, éventuellement avec la sous-préfecture pour pouvoir avancer sereinement. On n’a pas l’habitude de travailler dans des conditions où les gens sont opposés au projet. En plus, il n’y a pas lieu foncièrement d’être opposé. Ce sont des projets vertueux."
Cette nouvelle décision judiciaire, de la cour d'appel de Lyon, est l’ultime chapitre d’un long feuilleton : une dizaine d’autres procès ont eu lieu, tous favorables au porteur de projet. Pour les opposants, "c’est un coup très dur porté à l’association, à la commune et à tous les habitants, qui depuis l’origine se sont opposés au projet." Ils sont bien décidés à ne pas en rester là. Ils étudient dorénavant, d’autres formes d’action.