Pour le 105e anniversaire de la plus grande catastrophe ferroviaire de France, une trentaine de généalogistes a reconstitué l'histoire familiale des 435 victimes. Quelque 33 000 personnes y sont recensées.
"C'est vrai que l'on enquête rarement à partir d'événements heureux", reconnaît Frédéric Thébault, le responsable éditorial de Geneanet, qui se revendique premier site de généalogie français. Lui n'a eu que récemment l'idée de lancer les recherches sur l'accident ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne.
"Des arbres généalogiques collaboratifs, on en a établi beaucoup sur la Seconde Guerre mondiale. Pour les victimes du massacre perpétré par les nazis à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), ou celui de Maillé (Indre-et-Loire). Moins sur les catastrophes du début du XXe siècle. Mais quand j'ai découvert, par hasard, l'existence de cet accident ferroviaire, assez peu évoqué d'ailleurs dans les livres d'histoire, je me suis dit qu'il fallait s'en occuper", raconte Frédéric Thébault.
Recherches limitées aux "morts officiels"
Et le patron du site de lancer un appel à ses généalogistes - abonnés ou simplement habitués - afin d'œuvrer ensemble à la constitution de l'arbre généalogique des 435 victimes de l'accident. Survenu le 12 décembre 1917 sur la partie de voie ferrée du lieu-dit La Saussaz, sur la commune de Saint-Michel-de-Maurienne, ses circonstances sont relativement bien connues depuis la parution du livre Le tragique destin d’un train de permissionnaires (éditions l’Harmattan, 2013), écrit par un habitant de la commune, André Pallatier.
Son bilan définitif, en revanche, (433 militaires morts et 2 civils) n'a pu être établi qu'à l'ouverture des archives, soit 90 ans après les faits. Mais il pourrait être bien plus lourd, d'après certains historiens. "Nos recherches n'ont pu se limiter qu'aux morts officiels. D'autres personnes ont pu ne pas être déclarées ou décéder des suites de l'accident. Pour nous, c'est impossible à savoir", explique encore Frédéric Thébault.
Car c'est principalement en consultant les listes de l'état civil conservées dans les archives départementales que la trentaine de généalogistes mobilisée a pu renouer les fils de vie de chacune des 435 victimes du déraillement du train français le plus meurtrier de tous les temps. "434, insiste Frédéric Thébault. Car nous avons découvert que l'une des victimes avait manifestement été ajoutée par erreur au décompte."
Un devoir mémoriel
Au final, 33 000 personnes issues de l'arbre généalogique des victimes de l'accident savoyard sont venues s'ajouter aux quelque 7 milliards d’individus répertoriés par le site Geneanet. L'arbre généalogique de la famille de chaque victime, ses états de service militaire, sa profession et jusqu'à l'emplacement de sa tombe sont répertoriés sur ces pages.
"Après la publication de chacun de nos arbres généalogiques, de nombreuses familles de victimes nous contactent. Cela fait partie du devoir de mémoire que nous nous sommes assigné. Car on sait beaucoup de choses sur l'histoire de France. Mais on en sait finalement toujours trop peu sur les gens qui ont fait cette histoire", estime encore Frédéric Thébault.
La catastrophe ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne ne pouvait donc pas laisser indifférente la communauté des généalogistes. A fortiori quand la carte de France des victimes (consultable en ligne) montre qu'il concerne des familles des quatre coins de l'Hexagone.
A 105 années du drame, il était sans doute temps de mettre un nom, une famille et une histoire sur toutes les victimes de ce déraillement qui, s’il avait eu lieu en période de paix, aurait sans doute davantage marqué les mémoires.