Ludivine Chambet a commencé à s'expliquer ce mardi 9 mai 2017 devant la cour d'assises de Chambéry. L'aide-soignante doit répondre de la mort par empoisonnement de 10 pensionnaires d'une maison de retraite de Jacob-Bellecombette en Savoie entre 2012 et 2013.
"Ce que j'ai fait est très terrible": l'aide-soignante accusée d'avoir empoisonné volontairement, en mélangeant des médicaments, 13 pensionnaires d'une maison de retraite, dont 10 en sont morts, a commencé ce mardi 9 mai 2017 à faire face à ses actes devant les assises de la Savoie.
J'espère que ce procès va pouvoir faire avancer les choses ...
"J'ai travaillé beaucoup avec les psychiatres et psychologues pour comprendre ce qui s'est passé", a déclaré Ludivine Chambet. Cette jeune femme de 33 ans, de grande taille, cheveux longs, ne laisse passer qu'un filet de voix au timbre enfantin.
"J'espère que ce procès va pouvoir faire avancer les choses et répondre aux questions des familles", ajoute-t-elle après la longue énumération de ses victimes par la présidente de la cour, Isabelle Oudot.
Douze jours d'audience sont prévus pour revenir sur l'ensemble des faits: l'administration de cocktails de neuroleptiques et antidépresseurs durant un an, entre 2012 et 2013, à huit femmes et cinq hommes de 76 à 96 ans, résidents de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Le Césalet, à Jacob-Bellecombette en Savoie.
L'aide-soignante, décrite comme compétente et investie dans son travail, était à cette époque très affectée par le décès de sa mère, atteinte d'une leucémie aiguë, en juin 2013. Fille unique, célibataire et sans enfant, Ludivine Chambet entretenait avec elle une relation fusionnelle et ne supportait plus de voir des gens souffrir.
On a tous nos souffrances et pour autant ... on ne tue pas les gens !
Pour Patricia, petite-fille d'une des victimes décédées, comme tant d'autres, après un malaise aussi soudain qu'inexpliqué, "c'est une horreur": "Dans cette histoire, on nous l'a enlevée plusieurs fois: quand elle est morte et quand on a su que ce n'était pas naturel".
"On a tous nos souffrances et pour autant, on ne passe pas à l'acte, on ne tue pas les gens!", a renchéri Patrick, autre petit-enfant de la même dame, qui se demande "comment" celle dont il "ne peut pas prononcer le nom" a "pu mettre en place ce scénario criminel".
Jacques Pachoud, fils d'une autre victime, évoque une "forme de haine et de colère" contre l'aide-soignante qu'il ne connaissait pas, même s'il allait voir "maman une fois par semaine". "C'est un meurtre", assène cet homme grisonnant, qui se rappelle avoir placé sa mère à l'Ehpad "pour qu'elle soit le mieux possible".
Il va falloir du temps pour comprendre le cheminement de Ludivine Chambet, enfant sur-protégée par sa mère après une naissance prématurée, doublée d'une maladie génétique rare, impliquant des opérations lourdes dans sa jeunesse.
Très tôt confrontée à la maladie, complexée par sa taille et ses séquelles physiques (dont une cicatrice sur le ventre), cette jeune femme "posée, polie, effacée mais au discours construit et cohérent", selon l'experte en personnalité qui l'a rencontrée en détention, a peu d'amis et une vie sentimentale quasi inexistante.
Mais elle réussit sa formation d'aide-soignante et trouve du travail.
Elle se définit elle-même comme "gentille, serviable, à l'écoute de l'autre" et a toujours voulu être "au service de la personne", au contact d'une mère très exclusive avec elle mais ouverte aux autres et partageant ses amies.
"D'avoir perdu sa maman, elle s'est perdue elle-même", dit à la barre une amie de la mère de Ludivine. "Elles étaient tellement fusionnelles que la crainte de sa mère (au terme de sa vie, NDLR) était qu'elle se retrouve sans attache".
Je veux vraiment demander pardon aux familles
"J'aimerais demander pardon aux familles, je souhaite vraiment demander pardon aux familles. Je veux vraiment demander pardon aux familles", insiste-t-elle sous les coups de boutoirs de son avocat. Une insistance, doublée d'une incapacité à le faire à ce stade des débats, qui en vient à gêner ces dernières.
L'accusée encourt la réclusion criminelle à perpétuité.