En Savoie, la tension monte entre les taxis et les chauffeurs inscrits sur les plateformes en ligne, comme Uber. Entre menaces, provocations et altercation armée, les professionnels du transport de Moutiers se livre une "guerre de territoire" pour s'accaparer le marché lucratif du transport de touristes vers les stations de ski.
Deux bandes rivales qui s’affrontent et s’invectivent violemment. La scène pourrait faire penser à une altercation entre gangs rivaux sur un point de deal. Mais elle a eu lieu sur le parvis de la gare de Moutiers, petite commune savoyarde de 3 400 habitants.
Dans une vidéo, tournée dans la soirée du mercredi 22 janvier, un chauffeur de taxi en parka noire tire des balles en caoutchouc avec une arme de poing pour "se protéger" dit-il, après une altercation avec des chauffeurs Uber.
Selon les chauffeurs de taxi et de VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur), devenus alliés, ces tensions seraient devenues quotidiennes avec leurs concurrents travaillant via les plateformes américaines comme Uber, Bolt ou encore Heetch.
"C'est le Far West !"
Ces derniers sont accusés de "racoler" illégalement les clients, d’exiger parfois "le double du prix annoncé sur la plateforme en espèces". "C’est le Far West !" s’inquiète le président de la Chambre Syndicale des taxis de Savoie. La Tarentaise, c’est 24 millions de nuitées touristiques, donc ça attire la convoitise, et le travail est pris par des opportunistes. La tension monte, car l’Etat ne fait pas respecter la loi".
Autour de la gare, certains chauffeurs travaillant avec des plateformes feraient des maraudes, avec des rabatteurs pour aller chercher directement le client. Des pratiques illégales.
"Les taxis achètent une licence et sont établis à l’année, détaille le président de la Chambre Syndicale des taxis de Savoie. On est réglementés par la préfecture au niveau du tarif, donc il faut travailler toute l’année. Si on n'arrive pas à établir de la trésorerie en hiver avec l’activité touristique, on n'arrivera jamais à tenir toute l’année".
Des menaces par téléphone
Depuis quelques semaines, les tensions sont telles que certains taxis évitent la zone le soir. Ce qui n’empêcherait pas les menaces directes par téléphone. Le représentant des taxis de Savoie nous fait écouter un message, reçu sur sa boîte vocale. Entre plusieurs insultes, un individu au ton véhément lui demande de le rappeler "fissa" ou de "passer chez lui". "Ce sont des menaces, des provocations permanentes. Chacun fait ce qu’il veut", déplore le chauffeur de taxi.
Certains témoignages font même état de conduites très dangereuses sur la route. Sollicitée par les chauffeurs de taxi, la mairie a organisé une première réunion en présence des forces de l’ordre et de la sécurité ferroviaire vendredi dernier.
"Les échanges entre les représentants des taxis et des VTC étaient constructifs, estime Chantal Martin, maire (SE) de Moutiers. La problématique n’est pas récente, mais cette année, c’est exacerbé avec un afflux important de véhicules et une très belle saison touristique".
Celui qui participe à cette fraude [...] est responsable aussi.
Chantal Martin, maire (SE) de Moutiers
L’édile envisage de renforcer les contrôles à la gare, mais aussi de communiquer auprès des usagers pour les dissuader de choisir les chauffeurs ne respectant pas la loi. "Lorsque les clients arrivent, il faudrait diffuser un message dans la gare et élaborer des supports d’information. Il y a un public pour tout ça. Il faut qu’on se responsabilise, car celui qui participe à cette fraude, avec les maraudes hors la loi, est responsable aussi", déclare-t-elle.
Une enquête de gendarmerie a été ouverte à la suite de l’altercation devant la gare. Le chauffeur de taxi faisant usage de l'arme de poing dans la vidéo est convoqué en mai au tribunal.
Un rassemblement des chauffeurs de taxi pourrait être organisé fin février à Moutiers.