Michel Barnier, désigné mercredi 27 juillet pour négocier au nom de l'exécutif européen la sortie du Royaume-Uni de l'UE, est l'architecte de l'Union bancaire européenne et passe pour être la "bête noire" de la City.
Très honoré par la confiance de @juncker pour conduire la négociation avec le Royaume-Uni. RV le 1er octobre pour cette mission exigeante !
— Michel Barnier (@MichelBarnier) 27 juillet 2016
"Après toutes ces années où il a été diabolisé par la City, souvent d'ailleurs de manière très injuste, la Commission européenne n'aurait pas pu adresser un message plus ferme aux Anglais", a commenté auprès de l'AFP Jacques Lafitte, fondateur d'Avisa Partners, un cabinet de conseil bruxellois.
Engagé en politique depuis plus de 40 ans et Européen convaincu, M. Barnier fut l'un des membres les plus actifs de la "Commission Barroso II".
Entre 2010 et 2014, il détenait en effet dans l'équipe présidée par le Portugais José Manuel Barroso le portefeuille clé du Marché intérieur et des Services financiers.
Dans le cadre de ses fonctions, il n'a pas ménagé ses efforts pour combattre la crise de la dette de la zone euro qui a bien failli faire échouer le projet de la monnaie unique, tout en remettant de l'ordre dans le système bancaire mal en point.
Nombre de règles ont changé pour le secteur financier sous son impulsion: encadrement plus strict des agences de notation, mise en place de sanctions pénales en cas d'abus de marché, prêts immobiliers plus sûrs et plus transparents, nouveau cadre réglementaire pour le secteur des assurances.
Une activité régulatrice qui a fait grincer des dents à Londres, première place financière en Europe. En novembre 2011, le quotidien britannique des affaires Financial Times relevait d'ailleurs dans un article intitulé "Barnier contre les Brits": sa nomination par le président français Nicolas Sarkozy "pourrait un jour être vue comme le pire échec diplomatique de la Grande-Bretagne à Bruxelles".
- Un 'montagnard' -
L'intéressé, haute stature et regard clair sous une abondante chevelure blanche, insistait alors au contraire régulièrement sur la nécessité de "garder les Britanniques à bord" dans les dossiers financiers. Il était secondé --certains observateurs disaient neutralisé-- par un directeur général britannique, Jonathan Faull.Dans un entretien à BFM TV quelques jours après la décision par référendum des Britanniques de sortir de l'Union européenne, il avait estimé que c'était "un affaiblissement collectif".
"Nous garderons avec les Britanniques, au-delà du Brexit, une communauté d'intérêt, en particulier pour tout ce qui touche à la sécurité collective", avait-il assuré.
Son dernier poste de commissaire européen avait en tout cas renforcé la réputation de grand travailleur de M. Barnier qui, peu familier des dossiers financiers au moment de sa prise de fonction, s'était préparé intensément. Moins à l'aise que la plupart de ses collègues commissaires avec l'anglais, il truffait ses interventions en français de termes techniques dans la langue des affaires.
Ce Savoyard, né le 9 janvier 1951 à La Tronche (Isère), rappelle volontiers qu'il est un "montagnard", un pragmatique doté de bon sens, manière de transformer en atout ce qui, en France, peut constituer un handicap: ne pas faire partie du sérail parisien et ne pas sortir de l'ENA mais, dans son cas, de l'Ecole supérieure de commerce de Paris.
Marié et père de trois enfants, ce gaulliste entré très jeune en politique, élu député en 1978 à 27 ans et deux fois sénateur, est un habitué des allers-retours entre Paris et Bruxelles. Il avait déjà été commissaire européen entre 1999 et 2004, chargé de la Politique régionale.
Ministre de l'Environnement entre 1993 et 1995, il dirige ensuite la délégation française pour la négociation du traité d'Amsterdam en tant que ministre délégué aux Affaires européennes, poste qu'il occupe jusqu'en 1997. Son homologue britannique à l'époque est David Davis, actuel nouveau ministre en charge de la sortie de l'UE outre-Manche.
M. Barnier a beaucoup fréquenté Bruxelles lorsqu'il était ministre de l'Agriculture et de la Pêche dans le deuxième gouvernement Fillon de 2007 à 2009, après avoir brièvement dirigé les Affaires étrangères en 2004 et 2005.
Récemment, M. Barnier était conseiller pour le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker dans les affaires de défense.