L'ouverture à la concurrence des lignes de TER dans le Nord et le Pas-de-Calais sera effective en 2028. Mais la présence d'amiante dans 40 trains contraint la région à renouveler son parc prématurément, soit une dépense d'un milliard d'euros. Christophe Coulon, vice-président des Hauts-de-France en charge du transport est clair, il ne s'acquittera pas de cette somme. Explications.
1 milliard d'euros. C'est la somme que la région Hauts-de-France pourrait être amenée à débourser pour remplacer 40 trains régionaux avant 2028. Car dans quatre ans, les lignes de TER du Nord et du Pas-de-Calais seront ouvertes à la concurrence.
Problème : Bien que ces trains présentent des traces d'amiante, ils peuvent encore circuler plusieurs années sans "aucun problème sanitaire" pour les voyageurs, assure Christophe Coulon, vice-président de la région Hauts-de-France en charge des mobilités, des infrastructures de transport et des ports. Mais la réglementation européenne le contraint pour l'instant de s'acquitter de cette somme. Il en appelle donc au gouvernement français.
Assouplir les normes pour faire des économies
À l'occasion du dernier congrès des maires qui s'est tenu dans l'Aisne, le vice-président a pu s'entretenir avec Gérard Larcher, sénateur. Alors que le budget est au cœur des préoccupations gouvernementales, "j'ai profité de sa présence pour lui faire comprendre que si nous devons économiser, on peut mettre de côté des normes qui nous empêchent d'optimiser les coûts". Il lui a alors exposé le cas des trains régionaux, détaillant les rouages d'une "législation européenne mal ajustée."
En 2007, la commission européenne a mis en place une directive nommée REACH, "une directive de bon sens voulant écarter les produits nocifs pour la santé de l'espace européen", relate-t-il. En d'autres termes, dès lors qu'un bien contient des produits dangereux, comme de l'amiante, il ne peut pas être vendu.
Le spectre de cette directive étant plutôt large, il concerne également les trains, "un bien particulier parce qu'il a une durée de vie de 40/45 ans", estime Christophe Coulon.
Vendre les trains avant l'ouverture à la concurrence
Historiquement, le fonctionnement des TER français était opéré par la SNCF, mais une décision européenne a rendu obligatoire l'ouverture à la concurrence du réseau régional à l'horizon 2032.
Pour préparer cette échéance, la région Hauts-de-France a échelonné l'ouverture à la concurrence de ses différentes lignes dans le temps : le 15 décembre pour le réseau amiénois, en 2027 pour les dessertes parisiennes et en 2028 pour le réseau lillois et du littoral. Si Amiens et les liaisons vers la gare du Nord ne posent aucun problème, l'échéance pour 2028 se confronte à la présence d'amiante dans 40 trains. C'est ici que la directive REACH refait surface.
Soit, nous devrons mettre au rebut 10 ans avant la fin de leur capacité et de leur fiabilité, 40 trains
Christophe CoulonVice-président de la Région Hauts-de-France
"Quand on fait opérer les TER par une société qui n'est plus la SNCF, il est nécessaire que le matériel soit remis aux régions, que les trains soient la propriété de la région. Après, on met contractuellement ce matériel à disposition du candidat retenu par l'appel d'offres", détaille Christophe Coulon. En raison de la directive REACH, "les trains amiantés qui ne posent pas de problème sanitaire ne peuvent pas être cédés à l'entreprise que la région aura retenu."
Face à ce nœud réglementaire, deux solutions concrètes s'offrent aux équipes de Christophe Coulon. "Soit l'État français trouve une solution juridique de manière à obtenir une sorte de dérogation à cette directive. Soit, nous devrons mettre au rebut 10 ans avant la fin de leur capacité et de leur fiabilité, 40 trains", expose-t-il.
Des trains déjà rénovés
Changer son parc de trains ? Christophe Coulon n'y songe même pas. Cela représente "l'équivalent d'un milliard d'euros de commande de train neuf. C'est hors de question de le faire. Je n'ai pas l'argent pour les commander maintenant, on n'est pas du tout prêt", fustige-t-il.
Changer son parc de trains régionaux pour du neuf représenterait également une perte de rentabilité pour les investissements publics précédents. 465 millions d'euros ont déjà été dépensés par la région pour rénover ces trains et allonger leur durée de vie de "20 à 25 ans."
Comme l'ouverture définitive à la concurrence est prévue en 2032 par la réglementation européenne, on peut légitimement se demander si ce ne serait pas plus simple pour la région de décaler de 4 ans son échéance de 2028. Pour réunir le budget suffisant notamment.
Là aussi, Christophe Coulon estime que "décaler de quatre ans ne réglera pas le problème de fond. On a rénové nos trains, ils peuvent rouler jusqu'à 2038, voire 2040. On perdrait 6 à 8 années d'utilisation de nos trains. Ce ne serait pas une utilisation optimale de l'argent public."
Je suis en dialogue direct avec la commission européenne pour trouver un espace juridique
Christophe CoulonVice-président de la Région Hauts-de-France
Visiblement, Christophe Coulon semble avoir fait le tour de la question et se trouve désormais dans une impasse. Il demande alors à l'État français de l'aider dans sa négociation avec les instances européennes. "Je suis en dialogue direct avec la commission européenne pour trouver un espace juridique. Ce milliard d'euros pourrait être utile pour faire d'autres choses. Il est temps que l'État bouge."
Cette situation, le vice-président ne la découvre pas. "C'est un sujet que nous avons repéré depuis maintenant plusieurs années. Mis à part François Durovray, jusqu'à présent, aucun ministre que nous avons sollicité ne nous a fait de retour."