Dans une enquête publiée mi-avril et impulsée par les syndicats FO et CGT, les Domaines skiables de France font le point sur le statut des salariés des remontées mécaniques. Logement, transports, salaire... Leurs préoccupations sont nombreuses.
Deuxième plus grand domaine skiable d'Europe, la France compte 250 stations de ski pour 200 entreprises de remontées mécaniques, qui emploient 18 300 salariés. Alors que la saison hivernale s'est terminée il y a quelques jours dans les Alpes du Nord, les Domaines skiables de France (DSF) ont consacré à ces salariés, permanents et saisonniers, une enquête de grande ampleur, menée en 2023.
"La dernière étude de ce genre remontait à 2009, explique Éric Becker, conseiller fédéral permanent et référent national saisonniers pour FO. Les syndicats ont demandé qu'une enquête soit réalisée sur les salariés des remontées mécaniques pour mieux cerner cette population et leurs besoins. 20% d'entre eux ont répondu, c'est beaucoup."
28% du budget consacré au logement
Parmi les participants interrogés, deux tiers d'entre eux ont plus de 35 ans, et deux tiers sont en couple. Ils sont à 79% des saisonniers. "La précédente enquête ne donnait quasiment que la parole à des permanents, ce qui ne représente pas la majorité des salariés des remontées mécaniques."
L'un de leurs principaux sujets de préoccupation est le logement. Un pôle auquel ils consacrent 28% de leurs revenus. Si plus de la moitié d’entre eux sont propriétaires (52%, contre 57% des Français d’après l’INSEE), un salarié sur trois exprime des difficultés liées au fait de se loger. Près de 90% d’entre eux ont leur résidence dans le département où ils travaillent.
"Le saisonnier a encore très mauvaise presse auprès des hébergeurs : il picole, il se déchire la tête en fumant son joint, il n’a aucun respect pour le logeur et ne donne aucune garantie de paiement de son loyer lorsqu’il quitte les lieux. C’est absurde : le saisonnier est un salarié comme un autre."
La question des transports est, elle aussi, centrale pour les sondés. Un salarié sur cinq indique rencontrer des difficultés à ce sujet, et 40% des participants sont “aidés par leur employeur” dans leurs migrations pendulaires. En moyenne, ils parcourent 15 kilomètres pour se rendre de leur domicile à leur travail, pour un trajet d'environ 20 minutes.
"Ils sont vraiment livrés à eux-mêmes"
“Il y a trop peu de logements appropriés, situés à proximité des pistes, à des prix raisonnables, déplore Éric Becker. Les saisonniers sont obligés de redescendre plus bas dans la vallée, d'utiliser un véhicule pour se déplacer. Ils sont vraiment livrés à eux-mêmes.”
Même si l’usage d’un véhicule personnel reste le mode de transport majoritaire (59 %, dont 1/10 covoiturent dans le véhicule d’un collègue), les transports en commun sont utilisés par 22 % des salariés "et dans la moitié de ces cas, il s’agit d’un ramassage organisé par le domaine skiable pour ses salariés".
Autre point soulevé par l'enquête des DSF, les contrats hivernaux sont plus longs que ceux contractés pendant l’été : 90% des emplois saisonniers durent plus de trois mois, contre 47% en été. En période d’intersaison, une très large partie des saisonniers (84%) contractent au moins un emploi entre deux hivers. “Néanmoins, parce que ce ou ces emplois n’occupent pas toujours la totalité de l’intersaison”, 66 % des saisonniers alternent également “quelques périodes de chômage pendant ces périodes”, note l'étude.
Un métier adopté "par choix"
"Il y a un vrai problème pour élargir les saisons et combler le manque à gagner des hivers à venir, abonde Éric Becker. En été, des activités comme le VTT se développent, mais ce n’est pas suffisant pour mettre en place de nouvelles attractions. Et la rentabilité est moindre : les stations qui s'en sortent le mieux, font entre 25 et 30% maximum de leur chiffre d'affaires en été. Le gros de la saison se fait entre le 15 juillet et le 15 août."
Enfin, "la remise en question des gratuités du fait du statut de service public des remontées mécaniques et donc la perte de la possibilité de skier" a été soulignée "de façon assez importante", précise l'étude. Quant à la rémunération mensuelle moyenne des sondés, elle s'élève à 2295 euros bruts, tous salariés confondus. Malgré ces conditions de travail parfois précaires, 83% des saisonniers indiquent effectuer ce métier saisonnier “par choix”. Leur ancienneté moyenne dans la profession est de 10 ans.
Dernier élément mis en lumière par l'étude, les attentes nombreuses de la profession, vis-à-vis de ses “relations avec la hiérarchie", du "dialogue dans les entreprises", de "l’accompagnement de la saisonnalité", de "la reconnaissance des métiers, des conditions de travail, y compris en termes de rémunération”, note le texte. Pour l'heure, Éric Becker espère que les résultats de l'enquête permettront de convaincre "ceux qui sont sceptiques de maintenir l'emploi saisonnier" et ne pas "le dégrader plus encore".