VIDEO. Colette, 92 ans, ne veut pas qu'on lui enlève ses grenouilles, jugées trop bruyantes par ses voisins

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Colette ne veut pas que l'on retire les grenouilles de sa petite mare ©France 3 Alpes / R. Gardette - F. Pasquette / T. Huynh

A Frontenex, en Savoie, des grenouilles ont élu domicile depuis plusieurs années dans la petite mare du jardin de Colette. Les coassements des batraciens perturbent la tranquillité des voisins de la nonagénaire, qui ont fait appel à la mairie. Il y a quelques semaines, la gendarmerie s'est même rendue sur place.

"Elles font un petit peu de bruit, mais moi, je ne les entends pas. Il paraît que je commence à être sourde d'après certains voisins", raconte Colette Ferry, en riant. A 92 ans, cette habitante de Frontenex, en Savoie, se dit qu'il vaut mieux en rire. Depuis deux ans, la petite mare au bout de son jardin cristallise les tensions dans le voisinage.

Trois grenouilles y ont élu domicile et elles font beaucoup parler d'elles. Car en période de reproduction, autrement dit maintenant, d'avril à août, les batraciens se lancent dans leur parade amoureuse. Elles coassent, "de jour comme de nuit", d'après les riverains.

En avril 2021, les occupants de trois maisons voisines ont ainsi adressé un courrier à Colette Ferry avec copie à la mairie, pour demander à la nonagénaire de faire quelque chose concernant "les nuisances apportées par la présence de grenouilles dans le bassin du jardin de votre propriété".

"Leur croassement est difficilement supportable à certaines heures du jour et de la nuit, car le bruit est fort et constant. Avec le retour des beaux jours, et comme cela se produit depuis quelques années, nous n'allons pas pouvoir profiter sereinement de nos espaces extérieurs et laisser nos fenêtres ouvertes pendant la nuit", expliquaient ainsi les voisins.

Ces derniers lui proposaient également de l'aide pour déplacer les batraciens "dans un espace aquatique naturel qui leur conviendrait".

"Beaucoup de bruit...pour pas grand chose"

Mais Colette Ferry n'a pas l'intention de chasser les grenouilles de son petit bassin. "Pourquoi les enlever ? Elles reviendront après... donc ce n'est pas la peine de se bagarrer. Elles sont venues toutes seules, je n'ai pas été les chercher", assure-t-elle dans un sourire. 

La nonagénaire ne comprend pas pourquoi le coassement des grenouilles est devenu problématique depuis quelques années. Car son bassin existe depuis plusieurs décennies. La justice va-t-elle devoir statuer sur le coassement des grenouilles comme elle a dû le faire concernant le chant du coq ?

"C'est un éco-système naturel. Mon grand-père avait fait ça avec ma grand-mère quand ils se sont installés il y a plus de quarante ans", explique Marianne Granier, sa petite-fille "peinée" par ce qui arrive à sa grand-mère.

Délocalisation des grenouilles ?

Il y a quelques semaines, l'affaire a pris une nouvelle ampleur. Colette Ferry a en effet reçu la visite des gendarmes venus dans le but de trouver une solution, en délocalisant les grenouilles dans un lac situé à proximité. "Une si grande affaire pour si peu de choses", se désole Colette. "Les gens ne savent plus que faire pour embêter le monde", dit-elle. "C'est beaucoup de bruit...pour pas grand chose", estime sa petite-fille.

Marianne Granier est sceptique : "Comme le disait ma grand-mère, de toute façon même si on vient les récupérer et les mettre dans le lac de Saint-Vital qui est un peu plus loin, elles sont venues toutes seules, donc elles reviendront toutes seules, parce que c'est là qu'elles pondent. Ce n'est pas nous qui faisons la nature".

Lors de notre reportage, aucune grenouille ne s'est fait entendre. Mais si l'on en croit les spécialistes, le coassement des grenouilles peut être particulièrement bruyant pendant la période de reproduction.

"Les mâles des grenouilles rousses émettent à partir d'avril-mai un chant constitué d'un ronflement sourd imitant le bruit d'un train qui passe dans le lointain", indique l'Office national des Forêts. "Les grenouilles vertes sont extrêmement bruyantes et émettent des coassements de jour comme de nuit surtout par temps calme et orageux", poursuit l'ONF.

Pour la petite-fille de Colette, il faut juste apprendre à vivre avec. "Les boules Quies existent, il y a du triple vitrage éventuellement et puis il y a bien d'autres gens qui habitent à côté des étangs et qui ne s'en plaignent pas. C'est la nature, c'est comme ça", conclut Marianne Granier.

L'un des voisins réagit

Boumedienne B., l’un des voisins directs de Colette, a souhaité réagir après la médiatisation de cette affaire. Il continue de décrire un bruit permanent et très fort provenant des batraciens installés chez Colette.

C’est un bruit infernal, de mars à fin août.

Boumedienne B., voisin de Colette

à France 3 Alpes.

 

"Ces grenouilles n’ont rien à faire ici. Ce ne sont pas des animaux de compagnie. Il faudrait les emmener ailleurs, dans un lac, où elles seront heureuses" souffle Boumedienne B. Ce dernier, précise ramasser des grenouilles mortes, noyées, dans sa piscine, persuadé qu’il s’agit des batraciens provenant du jardin de Colette.

Cependant, ce voisin, qui décrit de bonnes relations avec la nonagénaire, ne souhaite pas aller en justice précisant que "ce ne serait pas humain". Il refuse également l’idée proposée par la petite-fille de Colette, de faire installer plus d’isolation dans sa maison : "Ce n’est pas à moi d’aller chercher du triple-vitrage, qu’ils le paient eux-mêmes."

Boumedienne B. regrette en outre la médiatisation de ce différend entre voisins : "J’ai toujours été bienveillant, et ses petits-enfants le savent bien. Je les ai prévenus à l’avance, avant de faire ce courrier avec d’autres voisins. Je ne les ai jamais pris en traître", assure-t-il.

Les grenouilles resteront finalement chez Colette [Mise à jour du 17/05/2023]

Après la publication de notre article le 13 mai, la LPO (Ligue de protection des oiseaux) a réagi à l’affaire en adressant une lettre au maire de la commune. Elle rappelle que "nul n'est censé ignorer la loi, et certainement pas un élu ayant qualité d'officier de police judiciaire. Les grenouilles sont des espèces protégées et l’enlèvement ou la destruction de ces espèces est passible de 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende."

"Cela fait deux et demi que nous sommes au courant de ce problème, nous dit quant à lui, Claude Duray, le maire de Frontenex, nous avons été alertés par les riverains. Nous avons alors pris attache avec le service faune et flore du département de la Savoie et avec la préfecture pour savoir ce que nous pouvions faire."

Ce que la mairie souhaitait, trouver un consensus entre la propriétaire et son voisinage, semble aujourd'hui impossible. Car la condition pour déplacer ces grenouilles était que la capture soit faite par une personne agréée et surtout que la propriétaire donne son accord. Sauf qu’aujourd’hui Colette souhaite conserver ces grenouilles dans son jardin. "Alors, on a tout arrêté, on ne peut pas faire quelque chose sans l’accord de la propriétaire."

"Si les riverains souhaitent aller plus loin, ils doivent désormais porter plainte", conclut le maire de Frontenex.

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