Témoignage. "Je déteste Noël et son obligation d'être heureux ", quand sapin, cadeaux et dinde filent le bourdon...

Publié le Écrit par Silvie Boschiero

Quatre personnes sur dix seraient angoissées ou exaspérées par les fêtes de Noël. Des "natalophobes" qui ne sont pas forcément isolées ou déprimées mais qui supportent mal la frénésie générale que suscite désormais la fête.

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"Quand j'étais enfant, comme tout le monde, j'adorais Noël. Le rituel de la décoration du sapin, l'excitation qui monte au fil du mois de décembre, les illuminations, les pères Noël à tous les coins de rue, l'attente des cadeaux, les pétards des papillotes, j'aimais tout..."

A 48 ans, Samuel a encore quelques étoiles dans les yeux lorsqu'il évoque ses souvenirs d'enfance. Mais quand il pense à Noël aujourd'hui, il fait la moue. "Tout ce barnum autour de Noël m'exaspère plus qu'autre chose. Moi, ce que j'attends avec impatience, c'est le 26 décembre !"

Pourtant, Samuel coche toutes les cases pour passer un Noël conforme à l'image d'Epinal. Cet artisan menuisier du Rhône vit en couple, il a deux (grands) enfants de 22 et 18 ans, juste ce qu'il faut de cousins-cousines et d'oncles ronchons pour une belle fête de famille. Et pourtant, il voit revenir la fin décembre avec une mauvaise humeur qui grandit d'année en année.

"En fait, c'est le décès de mon père, il y a quatre ans, qui a été une sorte de déclic. Le premier Noël sans lui a été difficile à vivre. J'avais l'impression que tout ce que j'aimais dans cette fête avait disparu.

Le premier Noël après le décès de mon père, j'avais l'impression que toutes les lumières s'étaient éteintes...

Samuel, natalophobe

Pourtant, on était en famille, on se serrait les coudes, les enfants étaient encore ados donc on a fait au mieux pour que la fête leur soit douce". Au fil des ans, la tristesse s'est atténuée mais c'est l'agacement qui la remplace.

"Cette injonction à être heureux à ce moment-là de l'année m'horripile. Et si on est nostalgique, qu'est-ce qu'on en fait ? On accroche notre spleen parmi les guirlandes et les boules du sapin ? Sans compter cette espèce de frénésie de dépenses pour les cadeaux, cette débauche de nourriture pour le réveillon. Une année un chapon (toujours trop gras), une année une dinde (toujours trop grosse), les huitres, le foie gras, les chocolats... J'ai l'impression que je n'aurai plus jamais faim !"

La famille de Samuel  a appris à composer avec sa détestation de Noël. "Notre sapin est plus petit d'année en année, on le planque dans un coin du salon. Pour le repas de Noël, je fais les courses avec mes fils, sans trop en parler. Et pour les cadeaux, on ne le chouchoute plus : un bon bouquin et basta !" s'amuse Marianne, la compagne de Samuel. Pourtant, le repas de Noël a souvent lieu chez eux. "Il sait que moi, j'aime beaucoup cette fête. Alors il accepte que tout le monde vienne à la maison mais en contrepartie, on lui fiche la paix !"

Le 24 décembre, toute la famille (oncles râleurs compris) savent désormais qu'il ne faut pas compter sur Samuel pour chauffer l'ambiance. "Souvent il part avant le dessert faire un tour dans son atelier. Il réapparait quand la fête est finie  et on n'en fait pas tout un plat."

Entre hyperconsommation et injonction au bonheur

Comme Samuel, un Français sur trois vivrait les fêtes de Noël comme une obligation. On les dit "natalophobes", ceux que la fête de la Nativité angoisse. Anne-Laure Bompard est psychologue, et elle rencontre souvent cette détestation de Noël chez certains patients. "C'est une angoisse, voire une phobie, qui porte sur tous les aspects de Noël. Certains déplorent l'hyperconsommation, les avalanches de cadeaux souvent inutiles, cette sorte d'obligation généralisée d'être joyeux. D'autres refusent l'hypocrisie qui s'invite parfois autour de la table des fêtes, les conflits planqués sous le tapis et qui ressurgissent autour de la bûche."

Pour la psychologue, l'isolement n'explique pas forcément la mélancolie que suscitent les fêtes. "Evidemment, quand on n'a pas ou plus de famille, c'est une période éprouvante. Mais souvent, les natalophobes sont bien entourés, en couple ou en famille. Là c'est plutôt le côté obligatoire de la fête qui les stresse ou les énerve. Parfois aussi, on angoisse parce qu'on va revivre les Noël de son enfance, qu'ils aient été heureux ou malheureux. Par exemple, un enfant qui avait du mal à trouver sa place en famille peut, adulte, se retrouver isolé en bout de table, et ça ravive des souvenirs pénibles."

Donner un peu de son temps aux autres

Alors comment faire face à l'arrivée de Noël quand on n'a qu'une envie, celle de s'enfouir sous la couette ou de prendre la fuite à l'autre bout du monde ? "Se détourner un peu de soi est plutôt une bonne solution. Pourquoi ne pas aller donner ce soir-là un peu de son temps à une association ?" suggère Anne Laure Bompard. Sinon, il reste toujours la solution de louer un phare pour la soirée. En pleine mer si possible...

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