Le 19 juin 1964, un jeune officier de marine inconnu du grand public, Eric Tabarly, remportait la 2e édition de la Transat anglaise en solitaire, lavant symboliquement l'humiliation de Trafalgar et déclenchant une passion tricolore pour la course au large qui ne faiblit pas.
Vingt-sept jours, trois heures et cinquante-six minutes après avoir quitté Plymouth (sud-ouest de l'Angleterre), Tabarly et son ketch noir Pen Duick II gagnaient cette course prestigieuse, au nez et à la barbe des skippers anglo-saxons.
Tabarly, alors âgé de 32 ans, battait largement les 14 autres concurrents, dont le favori britannique Francis Chichester, qui avait survolé la première édition de cette Observer Single-Handed Trans-Atlantic Race (OSTAR) quatre ans plus tôt avec son cotre Gipsy Moth III.
La surprise est totale, y compris pour Tabarly. Le Breton arrive à Newport en ignorant tout de sa position et c'est seulement en passant le bateau-feu de Nantucket, quelques dizaines de milles avant l'arrivée, qu'il apprend qu'il est en tête.
"You're first!", lui lance un marin du bateau-feu. Chichester est loin derrière et Tabarly pulvérise le temps de 40 j 12 h et 30 min réalisé par le Britannique en 1960.
Héros national
L'exploit est énorme, fait la Une des journaux français, est repris en boucle par les radios et la télévision. Tabarly devient instantanément un héros national. Fait chevalier de la Légion d'Honneur par le général de Gaulle dès son passage de la ligne, le jeune officier de marine sera félicité par le chef de l'Etat au Salon nautique de Paris quelques mois plus tard.La France tombe sous le charme de ce marin au visage impassible, avare de ses mots, au sourire timide et d'une modestie désarmante. Il raconte avec des mots simples comment il a traversé l'Atlantique et mentionne comme de vulgaires incidents de parcours la perte d'un loch et de son pilote automatique.