Les échouages d'algues vertes en Bretagne ont diminué en 2020 de 7 % par rapport à la moyenne des échouages entre 2002 et 2019. Encourageants, mais la prudence reste de mise en raison d'un littoral Breton sensible à ces phénomènes de marées vertes et des activités agricoles importantes.
C'est la Préfecture de Bretagne qui a communiqué sur ce sujet sensible. Les échouages d'algues vertes ont diminué de 7 % en 2020 et ce malgré une année 2019 favorable au développement des algues vertes sur le littoral breton et notamment dans la baie de Saint Brieuc. Des résultats encourageants pour Sylvain Ballu, chercheur au Centre d'Étude et de Valorisation des Algues ( Ceva), situé à Pleubian dans les Côtes d'Armor. "Ce sont des résultats sur lesquels il convient de rester prudent en raison de la nature du littoral Breton, de la forte implication de la météo de l'année et des activités agricoles importantes sur la région, mais les résultats de qualité de l'eau tendent à montrer que les taux de nitrates dans les cours d'eau Breton sont en nettediminution".
Algues vertes : une baisse significative des échouages en Bretagne en 2020
Entre avril et octobre 2020, les algues vertes se sont échouées sur une surface cumulée d'environ 2 460 ha en Bretagne, selon le Ceva, qui réalise des relevés mensuels sur une trentaine de sites bretons depuis 2002, avec les mêmes critères d'observation et d'appréciation. Des résultats obtenus grâce aux survols réguliers des zones sensibles à la prolifération des ulves, ces algues responsables des marées vertes. Plusieurs centaines de clichés sont réalisés lors de ces survols et ensuite, analysés par l'équipe du Ceva, pour obtenir la surface couverte par ces ulves.La moyenne des surfaces d'échouages entre 2002 et 2019 est 2.641 ha. L'année 2020 marque donc une baisse de 7% par rapport à cette moyenne.
Des résultats à relativiser mais des résultats encourageants
En effet il convient de relativiser ces résultats car la prolifération des algues vertes est un phénomène complexe qui n'est pas uniquement dépendant des taux de nitrates. Il dépend de plusieurs facteurs comme le souligne Sylvain Ballu qui travaille sur le sujet depuis 20 ans. "Ce phénomène dépend d'une part des stocks d'algues disponibles l'année précedant le "comptage" et d'autre part de facteurshivernaux (tempête,houle, soleil, ...) qui favorisent la pousse de ces ulves pour l'année qui nous interesse.".
Les stocks d'algues disponibles influencent directement la pousse des algues l'année suivante
Plus la quantité d’algues vertes est grande l'année qui précède le comptage, plus le démarrage de la prolifération sera précoce l'année suivante. Donc la quantité d'algues échouées au printemps dépend directement du stock d'algues de l'année précédente. Or au cours de l'année 2019, 3.415 ha d'algues échouées avaient été recensés, des chiffres en fortes augmentation par rapport aux années précédentes de références (2002 à 2019 soit 2.641 ha) . Au vu de ces résultats on pouvait donc s'attendre en 2020 à des records en matière d'échouage de printemps. Mais cela n'a pas été le cas. Pourquoi?
La houle, la température de l'eau et l'ensoleillement : des facteurs déterminant pour le report des stocks d' algues vertes
La houle est le phénomène qui influence le plus la reconduction des algues. Si la Houle est forte avant la saison de reproduction elle aura tendance a déstocker les baies de ces algues vertes. Du coup la prolifération de ces algues près des côtes sera moins précoce.
La température de l'eau de mer aura également une influence non négligeable sur la reproduction des ulves. Une différence de 2 degrés au niveau de la température diminue considérablement le taux de croissance de ces algues vertes.
Autre facteur l'ensoleillement. Si vous avez une forte houle en hiver et très peu d'ensoleillement, ces conditions seront défavorables au redémarrage précoce de la prolifération des ulves plus tard dans l'année.
Et en 2020 on peut dire que les conditions climatiques étaient favorables à la prolifération de ces ulves, de plus le stock en 2019 était conséquent. Alors pourquoi cette baisse?
Des chiffres encourageants en faveur de l'agriculture et des nitrates présents dans les cours d'eau ?
Suite à un démarrage retardé, la situation a ensuite été très favorable à la croissance des algues en 2020 : ensoleillement record (avril, mai, juillet...) et surtout gros orages en juin puis août qui ont entrainer des remontées très importantes des débits des rivières et donc l'afflux de nitrate . Pour expliquer les résultats d'une année il faut analyser le report des stocks (précocité) puis les conditions de croissances donc les quantités de nutriments disponibles, c'est à dire l'azote ou plus simplement les nitrates qui favorisent la croissance de ces ulves entre le mois de mai et d'août. Pour Sylvain Ballu c'est la dimunition des nitrates dans les cours d'eau qui explique cette décroissance des marées vertes.
"On est sur la bonne voie, les concentrations de nitrate dans les cours d'eau diminuent, mais il faut rester prudent car la Bretagne a un littoral sensible au phénomène des marées vertes avec des baies sableuses peu profondes d'un côté et des activités agricoles importantes de l'autre"
Attention équilibre fragile
Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut crier victoire. Car si les efforts faits ces dernières années par les agriculteurs semblent limiter la prolifération des algues vertes. Une bonne partie des nitrates sont emprisonnés dans les nappes phréatiques avec des concentrations très élevées. C'est le résultat des politiques agricoles intensives précédentes. Des réserves nocives qui mettront 15 à 20 ans à se résorber et qui affluent dans nos cours d'eau lorsque les pluies sont abondantes. Les concentrations de nitrate qui arrivent au littoral redeviennent alors élevées et favorisent la prolifération des algues vertes.
Il faudrait atteindre, dans les zones les plus sensibles, un niveau d'environ 10 mg de nitrates par litre, ce qui est un niveau de qualité de l'eau "très dur à atteindre", pour pouvoir échapper à la prolifération d'algues vertes, les années de météo favorables aux proliférations.
Il est donc important de continuer les efforts dans le secteur agricole pour éviter les pertes de nitrates sous les parcelles et leur accumulation dans les nappes phréatiques comme dans les cours d'eau. Les derniers résultats sur les quantités d'algues vertes échouées en Bretagne démontrent que de réels efforts ont été réalisés d'un point de vue écologique par les agriculteurs. Reste à maintenir ces efforts et même les accentuer pour tenter d'enrayer à court, moyen, et long terme, ce phénomène complexe qu'est la prolifération des algues vertes.