Le Choucas des tours, destructeur de récoltes : l'oiseau est pourtant protégé

Il vole souvent en groupe et peut détruire complètement une parcelle de maïs fraîchement semée. Chaque printemps, le Choucas des tours redevient un oiseau de mauvaise augure pour les agriculteurs. Ils réclament de le sortir des espèces protégées.  

Le Choucas des tours est un petit oiseau noir de la famille des corvidés. Il est depuis toujours le locataire des clochers des églises, mais sa prolifération pose aujourd'hui problème.

Jean-Alain Divanac'h redoute ce volatile qu'on appelle aussi "corneille". Agriculteur à Plonevez-Porzay et président du syndicat agricole FDSEA dans le Finistère, il fait parti des producteurs de maïs victimes des ravages du Choucas des tours sur les semis.

Derrière les choucas y’a plus rien

D'année en année les dégâts sont croissants. "J’ai ressemé 2 hectares il y a 15 jours, affirme Jean-Alain Divanac'h, et je constate que les ¾ sont déjà mangés par les oiseaux. Mon frère a ressemé 10 hectares à Plonevez-Porzay,  un voisin 6 hectares sur 8. Derrière les choucas y’a plus rien, il reste que la terre".

Evidemment les pertes pèsent lourd sur les finances. Cinq cents euros pour ressemer un hectare qui aura de moins bons rendements de toute façon car il est fait trop tard dans la saison. Un hectare non récolté c'est environ une perte de mille cinq cents euros.

Selon Didier Goubil, maire de Poullaouen et chargé du dossier "faune sauvage" à la chambre d'agriculture du Finistère, 500 000 euros de dégâts ont été signalés l'an passé dans le département, mais "on est sûrement autour de deux millions car tout n'est pas déclaré", sans doute car il n'existe aucune forme d'indemnisation. 

 

Une population grandissante


Didier Goubil observe de plus en plus de Choucas dans la campagne de Poullaouen et pas seulement. D'abord observé dans le Finistère, le corvidé se répand aujourd'hui dans le Morbihan, les Côtes d'Armor et même l'Ille-et-Vilaine.

"En 2010, l'association Bretagne Vivante avait recensé 90 000 oiseaux dans le Finistère, dit-il. Aujoud'hui on est entre 300 000 et 500 000 oiseaux. Un tiers se reproduit avec quatre oeufs par nid, donc au bas mot 50 000 couples vont produire 200 000 oiseaux en plus à la fin du mois de juin."

Ces juvéniles vont ensuite former des groupes et s'abattre sur les récoltes.

"Ils cherchent les taupins (petit vers gris) sous le maïs, explique Didier Goubil, et s’ils en trouvent un, ils arrachent les jeunes brins de maïs pour en trouver d’autres. Un même choucas peut en arracher 150 en une heure."


Une étude pour y voir clair


La Ligue de Protection des Oiseaux de Bretagne reconnaît les difficultés du monde agricole face aux nuisances, mais elle se hâte de préciser que rien ne permet à ce jour de parler de surpopulation.

 

"Il n'existe pas d’étude scientifique pour le prouver", indique Olivier Retail, Directeur LPO Bretagne. "La bonne nouvelle c'est qu'une étude indépendante est enfin lancée à la demande de la DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement). Elle s’appuie sur l'Université de Rennes 1 et le Museum d’Histoire Naturelle."

Une étude qui doit évaluer la population reproductrice, étudier les déplacements et le régime alimentaire du Choucas des tours, même si l'on sait déjà qu'il aime le maïs.


"Déclasser cette espèce protégée"


L'urgence c'est "le déclassement de cette espèce protégée, ne serait-ce que localement", réclame Jean-Alain Divanac'h.

Tuer un choucas aujourd'hui est passible d'une amende de 1500 euros.

Des tirs sont exceptionnellement autorisés, 12 000 dans le Finistère, 8000 dans les Côtes d'Armor, mais c'est jugé inefficace au vu de la population globale d'oiseaux selon la FDSEA 29.


"On va rencontrer nos parlementaire cette semaine, indique Jean-Alain Divanac'h, pour leur expliquer le problème. A notre niveau ce n’est plus supportable. On aime la biodiversité, mais quand les choucas deviennent nuisibles à notre activité on a le droit de demander à changer certaines choses pour continuer à vivre sur notre territoire. Réguler ce n’est pas tirer tous azimuts, mais il faut agir à différents niveaux".


Pas de solution en tuant le vivant


La Ligue de Protection des Oiseaux a attaqué les arrêtés préfectoraux qui autorisent les tirs.

"Ils peuvent tuer des jeunes non reproducteurs, s'alarme Olivier Retail, ce qui ne va donc pas du tout régler le problème. Chercher la solution en tuant le vivant ça ne marche pas."

La LPO préfère la prévention : obturer massivement les cheminées (80% des nids), développer les techniques d’effarouchage avec des fauconniers ou la diffusion de sons de rapaces.

Images de Jean-Alain Divanac'h, président de la FDSEA Finistère ©Jean-Alain Divanac'h


Jean-Alain Divanac'h y a recours, sans grande conviction. Et puis ça peut déplacer le problème chez le voisin, et "aussi déranger les riverains".

Des agriculteurs expérimentent aussi de planter le maïs plus profondément.


Une réunion en préfecture dans le Morbihan


La préfecture du Morbihan propose un groupe de travail (Etat, associations, agriculteurs, chasseurs…) avant même d’avoir les résultats de l’étude scientifique. "Le Préfet pourrait par exemple financer des tests grandeur nature pour une, deux ou trois communes pour lancer des campagnes d’obturation de cheminées", indique Olivier Retail.

En tout cas les agriculteurs veulent des actions rapidement. Convaincus d'une croissance exponentielle de la population de choucas, ils redoutent déjà le printemps 2021.

 

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