Le tribunal administratif de Rennes s'est penché à nouveau, ce jeudi 2 février 2023, sur la requête de l'association Eaux et Rivières de Bretagne. Laquelle veut faire annuler le feu vert qui avait été donné, en 2019, au doublement des capacités de production d'un méthaniseur à Plouaret dans les Côtes-d'Armor.
Le tribunal administratif de Rennes a, de nouveau, examiné, ce jeudi 2 février 2023, la requête de d'Eaux et Rivières de Bretagne. L'association veut faire annuler le feu vert qui avait été donné, en 2019, par les services de l'Etat au doublement des capacités de production d'un méthaniseur à Plouaret, dans les Côtes-d'Armor.
Le préfet des Côtes-d'Armor avait pris un arrêté, le 12 juin 2019, "portant enregistrement" des nouvelles capacités de ce méthaniseur, en place depuis huit ans, et de mise à jour de son plan d'épandage. Il est exploité par la SARL Trégor Biogaz, gérée par un éleveur de canards. L'exploitant a pour cela recours à Planet Biogas, une société spécialisée "qui lui fournit des prestations clés-en-main", a-t-il été indiqué lors de l'audience.
Pour rappel, ce contentieux environnemental était venu une première fois devant le tribunal administratif de Rennes le 27 octobre 2022, mais la juridiction avait finalement renvoyé son examen à une date ultérieure. La raison : les écritures de la société exploitante étaient arrivées la veille de l'audience "à 23h29", avait alors relevé le rapporteur public.
Selon lui, elles contenaient des informations qui ont permis d'écarter un "vice" qui entachait d'illégalité l'arrêté, la société n'ayant "rien indiqué, dans son dossier de demande, sur sa santé financière".
"Aveu absolu"
"C'est dans la culture des agriculteurs bretons : ils n'aiment pas toujours exposer leur situation financière, surtout quand elle est moins glorieuse qu'ils ne veulent le faire croire" a commenté le rapporteur public. Cependant, "les capacités financières" de la SARL Trégor Biogaz s'avèrent "amplement suffisantes" pour exploiter un tel équipement.
Reste qu'un autre vice entache d'illégalité l'arrêté préfectoral, et il est bien "plus radical" : le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas examiné le "cumul des incidences" de l'élevage de canards et du méthaniseur sur l'environnement. Or, c'est une "obligation" légale, a insisté le magistrat. L'exploitation de canards et la SARL Trégor Biogaz sont "inextricablement liées" dans la mesure où "elles partagent le même gérant" et qu'elles "sont situées à la même adresse" a-t-il rappelé aux juges.
Le préfet a d'ailleurs reconnu sans détours, dans ses écritures, ne pas avoir procédé à un tel examen des "incidences cumulées" des deux exploitations sur l'environnement. Selon lui, c'est seulement "impératif pour une autorisation environnementale", une procédure plus contraignante que celle de simple enregistrement dont a bénéficié Trégor Biogaz.
Le rapporteur public, lui, y voit donc "l'aveu absolu" de cette "erreur de droit". Il a donc proposé au tribunal administratif de prononcer une "annulation sèche" de l'arrêté, "sans procédure de régularisation".
"Des conséquences économiques et sociales désastreuses"
La préfecture des Côtes-d'Armor n'était ni présente ni représentée par un avocat à l'audience. L'avocat de la SARL Trégor Biogaz a, de son côté, mis en garde les juges contre "l'impact catastrophique d'une telle décision". "Ce serait dommageable pour le développement en France de la méthanisation à la ferme", a également insisté Me Théo Delmotte.
"Je suis extrêmement surpris par la solution proposée par le rapporteur public : je n'ai jamais vu cela pour une exploitation d'une aussi petite taille" a-t-il assuré. Seules 30 tonnes de matière par jour seront traitées par cette unité."
L'avocat a aussi cité des décisions des tribunaux administratifs d'Orléans et Versailles, qui disent "très explicitement" qu'un tel cas de figure ne concerne que les "projets de méthaniseurs et non pas les installations existantes. Or, l'élevage de canards existe depuis les années 80 et le méthaniseur a été mis en service en octobre 2014" a-t-il indiqué.
"Ce vice me paraît en tout état de cause régularisable, a insisté Me Théo Delmotte. Dans l'attente, vous avez la possibilité de délivrer une autorisation provisoire. Cela éviterait des conséquences économiques et sociales désastreuses. Cette société emploie deux salariés."
Le tribunal, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son jugement sous deux à quatre semaines.
(Avec GF/PressPepper)