Biodiversité : les habitants de Lamballe Terre & Mer barrent une route pour sauver grenouilles et tritons

Sur le territoire de Lamballe Terre & Mer les habitants ont décidé que la protection des amphibiens vaut bien un petit sacrifice, une déviation des voitures, le temps de la reproduction des amphibiens. Une décision en accord avec leurs actions de restauration et de préservation des milieux naturels.

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Pendant trois mois, du 14 décembre 2020 au 15 mars 2021, la petite route départementale numéro 28 va être fermée à la circulation automobile. Ceci pour ne pas écraser quelques centaines de tritons, grenouilles, rainettes et crapauds. En moyenne 400 véhicules feront chaque jour un détour d'une minute pour épargner ces petits vertébrés en voie de disparition ici comme dans de nombreuses régions d’Europe.
 

Écrasés sous les pneus des voitures


« Il y a 4 ans une alternante en BTS gestion-protection de la nature, avait étudié le territoire de Lamballe Terre & Mer et découvert la mortalité catastrophique de cette route pour les amphibiens, explique Jérémy Allain, conseiller biodivertité de la communauté Lambale Terre & Mer, ce fut le départ d’une étude puis d’une action avec des bénévoles de plus en plus nombreux.»

Les bénévoles ont donc disposé des barrages de bâches le long de la route qui passe au milieu d'une zone boisée et humide, parfois même inondée. Tous les dix mètres le long du barrage: des seaux enterrés pour piéger les amphibiens et repérer où chacun a tenté de franchir la route. Pendant plusieurs mois des bénévoles se sont levés chaque matin pour compter les batraciens dans les seaux et faire les comptes par espèce. Puis les relâcher de l’autre côté de la route.

« Au total sur 3 ans, 60 bénévoles se sont relayés. Ce qui représente 355 jours cumulés de suivi scientifique pour réaliser l’étude.

 La richesse du site ce sont surtout les tritons
souligne Jérémy Allain, parce que toutes les espèces présentes en Bretagne sont représentées sur ce site unique ! »
 

 

Onze espèces et un hybride


«Ce qu'on a trouvé c’est le crapaud épineux ou crapaud commun, la salamandre tachetée, le triton palmé, le triton alpestre, le triton ponctué, le triton marbré, le triton crêté et… le triton blasius. Mais on a aussi des rainettes vertes, des grenouilles vertes, des grenouilles rousses et des grenouilles agiles !
En fait on a onze espèces d’amphibiens plus un hybride rare: le triton blasius. L’hybride, c’est le mulet des amphibiens, un croisement entre le triton marbré et le triton crêté. »


Migrations nuptiales


Chaque année, à l'arrivée des gelées d'hiver, les amphibiens se cachent dans un terrier, sous une pierre ou une souche et entrent dans une certaine léthargie dont ils ne sortent que lorsque des conditions bien précises sont réunies pour rejoindre leurs zones de reproduction. Chaque espèce a sa période de prédilection, mais disons qu’une météo humide et radoucie annonciatrice du printemps, incite chaque année tous les individus d’une même espèce à migrer ensemble vers des points d'eau souvent sur quelques centaines de mètres, parfois sur quelques kilomètres et après la reproduction, les batraciens font aussi le voyage retour pour retrouver leur domaine terrestre de prédilection.
 

Du crapaudrome au crapauduc


Le système du crapaudrome est au départ une façon relativement simple de sauver les amphibiens en les faisant traverser la route avec des seaux. « Normalement, reprend Jérémy Allain, on constate des passages privilégiés et on y installe un crapauduc qui passe sous la route comme à Vern-sur-Seiche. Nous on a mis 800 mètres de bâches et 100 seaux et on espérait déterminer un endroit ou deux privilégiés par nos amis. Mais ce qu’a démontré l’étude c’est qu’ils passent partout sur les 800 mètres indifféremment. Donc ça complique la mise en place d’une solution».
En effet il faudrait des tuyaux tous les 10 mètres et qu’ils ne soient pas inondés pour que le système fonctionne parfaitement. C’est pourquoi les associations (Vivarmor nature et Nature et patrimoine) avec les élus ont décidé de fermer la route le temps de choisir une solution. Peut-être un système de barrières qui se fermeraient la nuit ou un aménagement avec le Cerema (bureau d’étude des ponts-et chaussées). Une sociologue a aussi été chargée d’étudier comment la population accueillait les différentes solutions.
 
En Bretagne on trouve de nombreuses espèces: l’amphibien le plus connu c’est la grenouille verte qui ne s’éloigne guère de sa mare. On y rencontre aussi des crapauds qui vivent au sec, mais qui comme les grenouilles se reproduisent en milieu aquatique. Différentes espèces de crapauds vont donc, le temps de la reproduction, quitter leur domaine terrestre pour retourner au point d’eau le plus proche. Les autres amphibiens sont si discrets que bien des Bretons les méconnaissent. Toujours dans l’ordre des Anoures, c’est-à-dire « sans queue » comme la grenouille commune, mais vivant loin des mares : il y a la grenouille rousse qui préfèrent les prés, ou encore la rainette qu’on surprend à sauter dans l’herbe mais surtout qui grimpe dans les arbres et même parfois sur les vitres des maisons. Et dans l’ordre des urodèles (queue visible) il y a les tritons et salamandres qui eux préfèrent l’humus, les jardins et surtout les bois. Si les tritons ont tout un rituel d’accouplement dans l’eau, les salamandres au contraire ne retournent près de l’eau que le temps d’y déposer leurs larves.  Les larves des amphibiens tels que les têtards des grenouilles, respirent dans l’eau comme les poissons avec leurs branchies tandis que devenus adultes, toutes ces espèces respirent à l’air libre avec des poumons, mais respirent aussi par leur peau de façon secondaire voire principale pour la salamandre.
 

Une prise de conscience de la biodiversité


La biodiversité peut être mise en danger par la disparition de certains milieux comme les prairies, les zones humides ou les bois, indispensables à certaines espèces. L’autre danger c’est le morcellement du territoire menacé par l’urbanisation ou des erreurs d’aménagement : il faut préserver des couloirs de circulation des espèces et des continuités écologiques comme celles des rivières pour les poissons migrateurs.
 

Un équilibre du territoire qui peut se traduire dans les documents d’urbanisme


En Bretagne, la communauté de Lamballe Terre & Mer a été la première à vouloir se doter d’un Atlas de la biodiversité sur son territoire. Il s’agit de répertorier les différents milieux, comme les prairies et landes, les bois, les cours d’eau, les zones humides et les mares… et de répertorier les espèces qui y vivent, mammifères, oiseaux, poissons, amphibiens, reptiles, insectes et papillons… mais aussi la flore, les arbres, ou encore les espèces invasives comme le laurier palme ou le frelon asiatique.
A partir de là les actions peuvent commencer comme de rétablir des ruisseaux et des haies bocagères pour retrouver les continuités écologiques.

 
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