Depuis le rachat de Twitter, devenu X, par Elon Musk en octobre 2022, le réseau social a bien changé. Ces derniers mois, et notamment depuis la réélection de Donald Trump, chaque jour, des abonnés quittent le réseau social par centaines. Des stars américaines, des clubs de foot allemands, des journaux français… et Stéven Tual. Le météorologue breton ne s’attendait pas à un tel déversement de haine quand il a annoncé son départ.
"Un nuage, c’est un nuage… Un rayon de soleil, c’est un rayon de soleil ! "Même si la météo n’est pas une science exacte et que les cieux n’en font parfois qu’à leur tête, Stéven Tual fait ses prévisions en scientifique. "Un fait est un fait", déclare-t-il.
Le météorologue publie son bulletin sur les réseaux sociaux depuis 2017. Facebook, Twitter devenu X. Il y annonce la météo du jour, celle de la semaine et y décrypte les événements climatiques à venir, les tempêtes, les orages, les épisodes de canicule.
Une tempête de haine
Mais ces derniers temps, il a vu les choses se transformer sur X. "Le débat n’est plus démocratique et ça se ressent, on a des insultes, des injures, on ne peut plus faire notre travail sereinement."
🔴📝 Communiqué @Temps_Breton
— Temps Breton (@Temps_Breton) November 22, 2024
A ce jour et pour une durée indéterminée, nous mettons en sommeil notre compte X.
Nous avons trouvé notre audience sur Bluesky et ce fonctionnement nous convient parfaitement.
Nous espérons vous y retrouver. pic.twitter.com/VKnsFP0djj
"Aujourd’hui, explique-t-il, il y a sur le réseau un très grand nombre de comptes de climatosceptiques et malheureusement, ces comptes sont mis en avant par les algorithmes au détriment des autres."
Je fais des prédictions, de la météo, pas de la politique
Stéven Tual, météorologue Temps Breton
Le météorologue étudie les cartes, les données satellites, les relevés des stations. "Je fais des prédictions, de la météo, pas de la politique répète-t-il, mais il y a des gens qui brouillent le message scientifique."
Comme d’autres avant lui, il a décidé de mettre son compte X en sommeil et s’en est expliqué : "L’environnement du réseau social et la mise en avant de comptes monétisés sèment le trouble sur les travaux que nous réalisons avec expérience et compétences. La pertinence des contenus fiables n’est plus la norme."
Une avalanche de départs
Ces derniers mois, des journaux, comme Ouest-France il y a quelques jours, ou Sud-Ouest ; des clubs de foot en Allemagne notamment, des écrivains comme Stephen King, ou des associations comme Greenpeace, ont annoncé leur départ du réseau social. Un réseau, où écrit Ouest France "pullulent désinformation et fake news".
Ceci est notre dernier tweet, pour le moment.
— Ouest-France (@OuestFrance) November 19, 2024
En accord avec nos valeurs, nous avons décidé de suspendre les publications sur l'ensemble de nos comptes X.
Nos explications 🔽🔽🔽
https://t.co/z0PJiM5NHg
David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS et auteur de Toxic Data le constate : " X, Twitter, depuis son rachat par Elon Musk est devenu un espace toxique pour l’information. Il a changé le réseau social : il n’y a plus de liberté d’expression, plus de modération notamment des appels à la haine. Il a ranimé des comptes qui avaient été bannis par le passé et modifié l’algorithmique de manière à mettre en valeur les contenus les plus toxiques."
En quelques mois, 30 % des utilisateurs ont fui le réseau. "Quitter Twitter, c’est dire, on n’accepte pas qu’on utilise nos données et notre audience à des fins idéologiques, en l’occurrence en faveur de l’extrême droite, on n’accepte pas de vivre dans un environnement qui appelle à la haine et à l’hostilité entre les utilisateurs", poursuit le chercheur.
Une pluie de messages climatosceptiques
Stéven Tual sait bien que le réseau privilégie les comptes qui sont certifiés. "Avant, décrit-il, mon compte était certifié. J’avais envoyé tous les documents, mes diplômes, l’entreprise pour qui je travaillais."
Depuis l’arrivée d’Elon Musk à la tête du réseau, pour avoir un compte certifié, il suffit de payer 15 euros par mois. "Moi, je peux être certifié médecin si je veux," déplore le jeune homme.
Car il assiste au désastre : une disproportion de comptes de climatosceptiques certifiés qui relaient de faux messages et sont repris pendant que la parole scientifique est noyée dans la masse. "On n’arrive plus à être audibles."
Quand on parle de changement climatique, on ne peut pas rester sur X.
Stéven Tual, météorologue Temps Breton
Il a constaté qu’il ne pouvait plus écrire sur une canicule ou tout autre événement météo exceptionnels sans recevoir des messages de haine ou des posts qui cherchent à le discréditer. "Il y a des comptes qui ciblent, viennent menacer pour brouiller l’information, s'alarme-t-il. C’est très néfaste pour la population qui n’est plus du tout au courant du changement climatique."
"Il ne devient plus concevable d’alimenter un réseau social qui est à l’opposé des messages que nous relayons sur l’urgence climatique. Financer son audience ici, c’est participer indirectement au changement climatique " poursuit donc Stéven Tual dans son communiqué. Sur le réseau social, une information sur six serait climatosceptique. "Quand on parle de changement climatique, on ne peut pas rester sur X", conclut-il.
Une atmosphère très lourde
En quelques heures, l’annonce du départ de Temps Breton de X a généré des dizaines de réactions. "Des injures et des torrents de boue" dénonce Stéven Tual.
Après les premiers posts un peu sarcastiques, "Un compte de météo fait de la politique maintenant ? Bon vent ! ""Est-on obligé d’aller dans cette communauté d’extrême gauche pour avoir la météo ?" d’autres beaucoup plus violents ont été publiés "J’adore ce tri sélectif. Kenavo les gauchos."
"Enormes cucks (cocus NDLR ) gauchistes, votre monde est fini. ""Merci Elon ! "
"Twitter est colonisé par des adorateurs d’Elon Musk qui ont des approches presque néofascistes de l’information, analyse David Chavalarias, et avec 200 millions de followers, Elon Musk dirige ses foudres contre tous ceux qui critiquent. C’est un espace sur lequel il est impossible de critiquer Musk sans se prendre une tornade, une tempête de M… C’est pour cela que ceux qui quittent Twitter se prennent des insultes et des injures. "
Longtemps pourtant, le météorologue a tenu bon, refusé de laisser le champ libre à tous ceux qui refusent de voir que le climat change. "À un moment donné, on ne peut plus lutter", accepte-t-il "Aujourd’hui, ce sont des gens qui passent leur temps à se convaincre entre eux, il faut aller ailleurs !"
Il a rejoint le réseau Bluesky, qui est passé de 9 millions d'utilisateurs en septembre 2024 à 22 millions en cette fin du mois de novembre.
Bluesky, un joli nom pour un spécialiste des cieux ! Il espère que sur les réseaux sociaux aussi, le beau temps arrive après la pluie !