Des milliers d'agriculteurs, éleveurs de porcs, producteurs de lait notamment, ont manifesté cette nuit en Bretagne et dans l'Ouest, face à l'absence de remontée des prix de leur production. Ils ont multiplié les opérations escargot, feux, actions devant les grandes surfaces, laiteries, abattoirs.
Pour cette nuit, baptisée "nuit de l'élevage en détresse", à l'appel de la FNSEA et des JA (Jeunes Agriculteurs), des convois de plusieurs dizaines de tracteurs avec remorques chargées de paille, fumier, pneus ont convergé vers les préfectures, celles de Saint-Brieuc, Rennes, Quimper et Vannes.pour la Bretagne.
Non application de l'accord conclu avec le ministère pour faire remonter les prix
Opérations escargot, entraînant des ralentissements, feux de pneus, tags de magasins de grande distribution - "on ne rigole plus", "voleur", "mangeons français"-. Les éleveurs de porcs et de bovins, mais aussi les producteurs de lait, entendaient protester contre la non application, selon eux, de l'accord conclu sous l'égide du ministère de l'Agriculture, il y a quinze jours, censé faire remonter les prix. Ils estiment que les trop faibles prix de la viande, de porc comme de boeuf, ne leur permettent pas de couvrir leurs coûts de production. Le revenu des producteurs de viande bovine a ainsi chuté à environ 12 000 euros par an, selon la FNSEA. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a demandé mercredi au médiateur des relations commerciales agricoles de contrôler ces accords, pour voir si les différentes parties ont tenu leurs engagements d'augmenter les prix payés aux éleveurs, notamment les industriels et la distribution.
Xavier Beulin, chahuté par les éleveurs
A Saint-Brieuc où les agriculteurs étaient plusieurs centaines -un millier, selon les organisateurs-, cette soirée n'a pas été de toute quiétude pour le président de la FNSEA Xavier Beulin, chahuté par les éleveurs excédés et désespérés. "Êtes vous prêts à vous battre pour mettre sous surveillance pendant l'été les opérateurs, obtenir cinq centimes de plus pour la viande bovine, une revalorisation des prix du porc et du lait", a-t-il demandé aux manifestants. "Dès ce soir, on est en capacité de rappeler à l'ordre les opérateurs", a-t-il poursuivi en proposant de faire du mois de septembre, si le bilan n'est pas positif, "un mois de protestation comme on n'en a pas connu depuis longtemps en France".
"Si on attend le mois de septembre, on sera pas la moitié", s'est écrié un éleveur. Et de rappeler à Xavier Beulin, exploitant céréalier, qu'il n'était pas du même monde qu'eux. "Aujourd'hui, c'est le soir des éleveurs, pas des céréaliers", lui a-t-il dit. Les céréaliers ont depuis des années des revenus confortables, sans rapport avec ceux des éleveurs. Plus tard, dans la nuit, deux cents manifestants se sont rassemblés sur une quatre voies près de Saint-Brieuc pour arrêter les camions et vérifier leur cargaison. Ils ont ainsi vidé un camion frigorifique contenant de la charcuterie espagnole,
Signe d'un vrai malaise
A Rennes, ils étaient dans la soirée plusieurs centaines, avec quelque 250 tracteurs, selon Cédric Henruy, secrétaire adjoint de la FDSEA d'Ille et Vilaine, "signe", à ses yeux, "d'un vrai malaise dans les campagnes, d'un ras le bol financier, environnemental et administratif". Les tracteurs et autres engins agricoles, stationnés aux abords de la préfecture de Rennes, arboraient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire "Sauver l'élevage", "Partager vos marges", "Ras le bol". Des bombes agricoles ont retenti.
Le contenu de quelques bennes a été déversé devant l'entrée de la préfecture, et des tas de paille enflammés sous les applaudissements des manifestants qui devaient
ensuite se repartir en six groupes et continuer leurs actions avec pour cibles hypermarchés et un abattoir notamment
A Quimper, cette nuit de la détresse a connu quelques débordements. Outre un rassemblement place de la résistance, les manifestants ont allumé des feux de palettes à l'usine Entremont, ils ont renversé une voiture de police, vidé un camion citerne de lait et se sont encore attaqué à un magasin Lidl, qui aurait été saccagé.
Le récit de la nuit par Benoît Le Vaillant - images à Quimper, Saint-Brieuc et Rennes
Le récit de la nuit par Benoît Le Vaillant - images à Quimper, Saint-Brieuc et Rennes - Interviews : Xavier Beulin, Président de la FNSEA - - Yvon Boutier, éleveur à Querrien (22)
- Xavier Beulin, Président de la FNSEA
- Yvon Boutier, éleveur à Querrien (22)