80 ans après la bataille de France, Christine Aubé publie "Le silence des pères", en hommage aux prisonniers de guerre

En cet anniversaire de la bataille de France, une Bretonne publie l’histoire de son père, capturé en juin 1940 comme plus de 1.800.000 soldats français. Après la défaite, il restera prisonnier en Pologne pendant cinq ans. Mais de cette captivité il ne dira jamais un mot à ses enfants.

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Il y a 80 ans, le 7 juin 1940, l’armée française allait devoir céder aux attaques de la Wehrmacht sur la Somme. Depuis le 10 mai 1940, l’armée du Troisième Reich avait envahi Pays-Bas, Luxembourg et Belgique puis lancé son offensive sur le nord de la France.

« J'avais écrit précédemment un livre plus intime à l’intention de mon garçon sur l’histoire de ma mère décédée trop jeune, à 53 ans. Un livre pour lui faire découvrir ses racines »

C'est en fouillant dans les photos de famille, que Christine Aubé découvre que ses parents se sont connus en 1938, alors qu’ils se marièrent en 1946. Elle réalise alors les non-dits qui ont couvert ces longues années de guerre.

De cette période blanche elle va faire le sujet d’un nouveau livre. Mais comme son père Paul avait gardé le silence sur tout ce qu’il avait vécu comme soldat et comme prisonnier, elle va devoir partir à sa recherche dans une enquête de plusieurs mois.

 

Il faut sauver la mémoire du soldat Paul

Elle mène alors des recherches sur les témoignages d’autres soldats, au travers d’archives et d’ouvrages qu’ils ont publiés. Elle découvre aussi des blogs d’anciens prisonniers. Son objectif est tout d’abord de comprendre où, et dans quelles conditions, son père fut fait prisonnier.

« Au départ je n'ai que le numéro de matricule de mon père »

Elle va finir par retrouver le village de la Somme où son père fut capturé, puis le camp de Silésie où il fut prisonnier de guerre : le stalag VIIIc. Ensuite elle allait découvrir que, comme beaucoup d’autres prisonniers, il avait été affecté dans des brigades rurales, à travailler dans les fermes alentours.

 

Le déclic du départ en voyage

C’est en fouillant dans une caisse d’archives familiales qui l’avait suivie dans ses déménagements jusque dans le Cap Sizun, que Christine Aubé découvre un courrier du mois d’août 1945, qui révèle que son père, après sa libération par les Russes en février 45, avait informé une femme Alsacienne de sa rencontre avec son fils, Gaston Braxmeyer.

Ce jeune homme de 18 ans faisait partie des Malgré-nous, ces Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l'armée Allemande. Pour les Russes, c’était un prisonnier allemand. Paul Aubé avait plaidé sa cause, mais en vain. Il avait écrit à sa mère pour témoigner qu'il était vivant et en bonne santé.

Après cette découverte au grenier de la maison, elle découvrira que Gaston existe toujours. Elle veut le rencontrer et c’est le point de départ de son voyage jusqu’en Silésie.

 

Le silence des pères

« Ces hommes étaient très pudiques et ils ne s’exprimaient pas sur ce qu’ils avaient vécu. Les témoignages dans les familles étaient souvent anecdotiques, et concernaient plutôt les pièces de théâtre ou les matches de foot au camp que les conditions de vie dans les baraquements. Ce livre n’est pas un ouvrage d’histoire, mais une tentative d’approcher ce qu’ils ont dû vivre réellement.»

Christine Aubé essaie de comprendre pourquoi ces hommes se sont fermés et n'ont le plus souvent rien confié aux générations suivantes.

«Ces hommes étaient des vaincus... dans leurs têtes, ils étaient des vaincus. On parle de la Grande Guerre comme d’une boucherie, mais c’est une boucherie victorieuse avec un mémorial sur chaque site de combat. Mais rien sur la bataille de France».

Alors elle imagine qu’à leur retour des camps, souvent après l’euphorie de la libération, il leur était difficile de revenir sur leur défaite et sur leurs souffrances.

 

Une réflexion pour le monde d’aujourd’hui

Au départ, le livre devait s’appeler « Voyage en Silésie » comme le voyage à marche forcée de son père jusqu’au camp de Zagan en 1940, mais aussi comme son voyage à elle, Christine Aubé, à travers l’Europe d’aujourd’hui.

Un voyage qui la mène aussi à Prague, à Dresde et à Wroclaw, ici dans un petit musée ou là dans un mémorial ignorés des touristes, un voyage de réflexion sur le nazisme, l’antisémitisme, le pacifisme, le nationalisme. Des réflexions qui sonnent comme autant d'interrogations sur l’état de l’Europe actuelle. Alors elle a préféré titrer son livre: Le silence des pères.

Qu’avaient-ils à dire ces pères qui ont préféré se taire ?

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Le silence des pères, voyage en Silésie

250 pages, 50 illustrations, Éditions Mémoires Vives, 19 €

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