Ce jeudi, les proches d'un ancien monteur d'armes nucléaires de la base de l'Ile Longue à Brest ont demandé à la justice de reconnaître que le cancer qui a provoqué sa mort était dû à la faute inexcusable de son employeur, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Mort en 2019 des suites d'un cancer de la vessie, Joseph Jaouen "a été exposé de manière régulière et habituelle aux rayonnements ionisants et neutroniques", a souligné Me Hermine Baron, avocate de la famille, devant le tribunal de Brest.
Entré au CEA en 1964, M. Jaouen a notamment exercé comme monteur de têtes nucléaires à l'atelier pyrotechnique de la base sous-marine de l'Ile Longue (Finistère), en face de Brest, de 1981 à 2000.
Cette activité professionnelle "l'a exposé de manière certaine à des rayons ionisants entre 1983 et 1991. Cette exposition est suffisamment caractérisée pour établir un lien entre la pathologie et l'activité professionnelle", ont estimé les médecins du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Normandie, dans un avis rendu en juillet 2024.
"Parcours de souffrance"
Les CRRMP de Bretagne et d'Ile-de-France avaient déjà conclu dans le même sens.
Simplement équipé de gants et d'un bleu de travail, M. Jaouen a bénéficié d'une "protection très insuffisante" au cours de sa carrière, a souligné Me Baron, qui a décrit le "parcours de souffrance" qu'il a enduré après la découverte de son cancer en 2014 et des rechutes et complications qui s'en sont suivies.
"Il n'y a pas de lien entre les maladies et le travail de M. Jaouen. Si on veut prouver le contraire, il faut s'appuyer sur des éléments précis", a rétorqué Me Franck Dremaux, avocat du CEA.
Selon lui, M. Jaouen a été exposé à une radioactivité équivalente à 17,5 millisievert (mSv) au cours de sa carrière. "À l’époque où M. Jaouen travaillait, le seuil était de 50 mSv par an. Là, on est à 17,5 mSv pour toute une carrière", a plaidé l'avocat.
"Irradiés des armes nucléaires"
"En réalité, ça ne rend pas compte de l'intégralité de l'exposition car il n'y a pas de mesure des rayonnements neutroniques", a pointé Me Baron, soulignant que ce type de rayonnement était "plus pénétrant".
D'après l'association Henri Pézerat, qui soutient M. Jaouen et les autres "irradiés des armes nucléaires", les rayonnements neutroniques sont "20 fois plus efficaces, c'est-à-dire dangereux" que les autres types de radiations.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 30 janvier 2025.