Julie Mira est marin professionnel dans la plaisance depuis 13 ans. Elle fait le triste constat que la représentation des femmes est faible dans le milieu du nautisme. Peu d’entre elles osent naviguer. Alors pour les aider à se sentir légitime à la barre, Julie a créé Les Marinettes.
Originaire de Dunkerque, Julie Mira n’est pas née dans une famille de marins. Fascinée par la mer et la navigation, elle sait dès son plus jeune âge, que sa vie se fera à bord d’un bateau. Dès ses neuf ans, elle régate en Optimist, obtient son Diplôme de Brevet d’État de Voile à 19 ans et son Capitaine 200 à 23. Julie trace sa route et à 32 ans, a déjà parcouru l’équivalent de deux tours du monde.
Elle embarque pour de longs convoyages, skippe de prestigieux bateaux, puis s’engage dans des expéditions polaires. Durant toutes ces années de navigation, Julie ne fait que constater les inégalités entre les hommes et les femmes dans le milieu maritime. On est très loin de la parité.
Les femmes ne représentent que 2% des navigants professionnels dans le monde et 20% des licenciés voile légère à la Fédération Française de Voile. Ces chiffres très bas lui donne envie de bousculer tout cela et font mûrir en elle un projet.
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En France, on est un beau pays de marins, on a un merveilleux littoral, on a beaucoup de pratiquants et on a un terrain de jeu formidable mais dans l’esprit collectif, le marin c’est un bonhomme !
Julie Mira
Le fait d’avoir peu de représentations de femmes qui naviguent n’aide pas à la démocratisation de la pratique pour un public féminin. Très souvent quand il y a une femme à bord d’un bateau, elle se positionne en second rôle, elle est là pour accompagner le chef de bord, le capitaine. Et même si elle est tout à fait capable de prendre les décisions, par manque de confiance, elle se met des barrières, n’ose pas et pense qu’elle n’y arrivera pas.
Pour changer cet état d’esprit, Julie a créé en 2009 Les Marinettes. Installée à Concarneau, elle propose un service de coaching personnalisé à destination des femmes afin qu’elles puissent trouver leur juste place à bord de leur bateau. Elle aide les femmes à oser prendre la barre, se positionner comme chef de bord, à devenir actrice en se réappropriant leur bateau et surtout se sentir légitime dans ce rôle. Par cet apprentissage, elle apporte à ces femmes de la confiance en elles et fait évoluer leurs points faibles.
"Je sème des femmes au fil des ports"
Le rôle de Julie dans ses coachings, c'est justement d’aider ces femmes à oser et à se prouver qu’elles sont tout à fait capables de prendre en main le bateau. Pour cela, elle se rend directement sur les bateaux de ses clientes. Elle souhaite être au plus proche de leur réalité et que l’apprentissage soit le plus rapide possible. C’est Julie qui s’adapte à elles, à leurs bateaux, à leurs personnalités, et aux besoins spécifiques dont elles ont besoin. Dans son coaching, elle apporte son expérience, son savoir-faire, mais il y a surtout une grosse part de psychologie qui est très importante, "les Marinettes, ce n’est pas une école de voile".
Julie se déplace un peu partout en France et prend ces femmes en coaching entre deux et quatre jours. Une fois toutes les deux à bord, Julie lui apprend à naviguer avec toujours des conseils bienveillants, puis à la moitié de cet apprentissage, quand on est dans une situation de couple, le mari les rejoint pour apprendre à naviguer ensemble et former un équipage soudé.
Quand je quitte le bateau et en voyant ces femmes qui sont confiantes, qui ont trouvé leur place à bord et de les voir manœuvrer, faire partie de l’équipage avec leur famille, avec leur mari, je me dis que je sème des femmes au fil des ports et j’espère que ça crée de la représentation pour d’autres femmes.
Julie Mira
Pour Littoral, Marine Barnérias est allée à la rencontre de Julie afin de suivre une journée de coaching en mer et comprendre sa démarche...
Pour voir et revoir l'émission :
Trois questions à Julie Mira
Qui fait appel à tes services ?
J’ai deux cas de figure. Il y a les femmes seules qui viennent d’acheter leurs bateaux et qui ont envie d’être autonomes, de pouvoir sortir seules avec leurs bateaux. Et il y a aussi les couples qui préparent un grand projet de voyage, soit une transatlantique, soit un tour du monde en couple ou en famille. C’est très important dans ces projets-là que l’équipage soit compétent, que les deux puissent compter sur l’autre, que s’il arrive quelque chose à l’un, l’autre puisse aller le chercher. C’est un élément de sécurité qui est important. Quand on est en mer, ça permet d’avoir moins d’angoisses, moins d’inquiétudes dans la navigation.
Dans ce style de projet de voyage en famille, qui t’appelle ? La femme ou l’homme ?
Ce qui est très étonnant quand j’ai créé les Marinettes, je pensais réellement n’avoir que des femmes à m’appeler et qui m’expliquent leurs problématiques. Mais en réalité, c’est souvent l’homme qui appelle. Dans le projet de navigation, d’achat de bateau, c’est souvent l’homme qui lance l’idée et la femme suit l’aventure et dans la majorité des cas, elle n’a pas les mêmes compétences que son conjoint. Du coup, ils essayent d’apprendre à bord ensemble, mais apprendre en couple avec toutes les problématiques que cela peut avoir, c'est rarement une réussite ! L’homme sent qu’il n’arrive pas à partager avec sa famille. Pour que le projet-bateau se déroule bien, c’est important que les deux soient formés le plus tôt possible pour éviter trop de craintes et de stress. C’est un vrai bouleversement dans l’équilibre du couple, il faut que chacun sorte de sa zone de confort.
C’est facile de t’immiscer dans le couple ?
J’adore rentrer dans l’intimité du couple, c’est comme si je toquais à la porte des gens et leur disais "bonjour, je viens passer quelques jours à bord avec vous"… On est dans une envie de changement des rôles, de modification de la place de l’un et l’autre dans l’équilibre du couple et on est dans une démarche de formation alors ça se passe bien. Mon but c’est de les accompagner, de comprendre leur fonctionnement, de savoir qui ils sont et connaître leur histoire. Je les accompagne du mieux que je peux afin que pour la suite, ils soient heureux de naviguer ensemble.
Propos recueillis par Lorène Bienvenu.
Pour en savoir encore plus :
Le guide pratique des Voileuses, oser prendre la barre ! de Julie Mira.
Aux éditions Vagnon Du Plaisancier Eds.