La fin du service d'autopartage parisien Autolib' est un revers pour les services de mobilité du groupe Bolloré. Les batteries électriques dont Autolib' étaient la vitrine, sont fabriquées près de Quimper.
Que ce soit avec Autolib' comme avec ses propres voitures électriques, les Bluecar, le groupe Bolloré n'a jamais caché qu'il visait un autre marché: celui des batteries et du stockage d'énergie.
C'est ainsi que le groupe a beaucoup investit depuis 2001 dans sa filiale Blue Solutions, avec notamment une usine de production située sur le site de Pen Carn, près de Quimper, où le groupe Bolloré est né.
Le service Autolib', qui va prendre fin prématurément, était une vitrine pour sa propre technologie de batterie LMP (lithium métal polymère) dans un marché mondial ultra-dominé par les batteries lithium-ion d'origine asiatique.
Pour Michael Salomon, fondateur et dirigeant du cabinet Clean Horizon, spécialiste du stockage d'électricité, la batterie LMP a "des avantages et des inconvénients qui se compensent".
"Elle est plus sûre et présente moins de risque d'incendie", mais elle doit rester à une température minimum de près de 60 degrés en permanence pour fonctionner, explique-t-il.
Ainsi, les voitures qui en sont équipées consomment toujours un petit peu d'électricité, même à l'arrêt, ce qui oblige à les laisser branchées quand elles ne sont pas utilisées.Made in Bretagne
Ses batteries, qui - souligne le groupe Bolloré - ne contiennent ni cobalt, ni terres rares et qui sont fabriquées en France, trouvent néanmoins peu de clients. Alors que la concurrence asiatique, notamment chinoise, est de plus en plus rude.
Dans l'automobile, des projets de coopération avec Renault, annoncés en 2014 avec grand bruit, ont été abandonnés.
PSA fabrique toujours un modèle électrique de Bolloré, la Citroën E-Mehari, dans son usine de Rennes La Janais. Mais sa diffusion est très faible : 500 exemplaires doivent sortir des chaînes cette année et les projets communs dans l'autopartage annoncés en 2015 avec le premier constructeur français se sont enlisés.
Le gain de l'appel d'offres Autolib' et son lancement en fanfare en 2011 ont certes représenté une formidable publicité. "Cela a été un moyen de prouver que nos batteries fonctionnent bien, sont résistantes et sûres", indique à l'AFP un porte-parole du groupe.
Cette vitrine a permis d'autres conquêtes pour des offres d'autopartage à Lyon, Bordeaux, Indianapolis, Turin, Singapour ou Los Angeles... Toujours avec les voitures électriques du groupe.
Mais le divorce tumultueux à Paris va ternir son image et l'amputer de l'essentiel de son activité sur ce marché. Autolib', c'étaient 4.000 voitures en circulation, sur un total de 5.000 dans le monde pour le groupe.
Pari sur l'avenir
Chez Bolloré, on relativise : le marché réellement visé n'est pas l'autopartage "même si on a développé de vraies compétences, notamment dans les systèmes informatiques et la gestion de parcs automobiles".
Le cœur de l'activité, ce sont les bus électriques Bluebus, qui circuleront à Rennes, et le développement dans les systèmes stationnaires de stockage d'énergie pour stabiliser les réseaux électriques confrontés à l'essor des énergies renouvelables intermittentes, affirme l'entreprise.
Mais ces marchés sont tout juste naissants. Bolloré compte 80 bus électriques en circulation dans le monde, dont 48 à Paris, et il attend de gros appels d'offres pour faire tourner son usine française d'une capacité de 200 véhicules par an.
La filiale Blue Solutions, qui porte les activités de batteries, a subi l'an dernier une baisse de chiffre d'affaires de 26 %, à 81 millions d'euros, pour 19 millions de pertes nette. Cependant, le groupe Bolloré, dans son ensemble, a les reins solides, avec ses 18,3 milliards de chiffre d'affaires et près de 700 millions de bénéfices sur la même période.
Au-delà des chiffres, les activités de mobilité et de batteries "restent très importantes", "c'est un pari sur l'avenir", dans lequel le groupe a investi près de 300 millions d'euros par an depuis l'an 2000, assure le porte-parole, soulignant que l'arrêt d'Autolib' "ne les remet pas en question".