Depuis le début de l'été, la sécheresse malmène les vaches laitières qui n'ont plus d'herbe à brouter dans les prairies grillées par le soleil. Dans le Finistère, les éleveurs tapent déjà dans les stocks de fourrage hivernaux pour les nourrir. Et la production de lait est en baisse.
Ce n'est pas de gaieté de coeur que Véronique Le Floc'h a vendu une vingtaine de ses vaches laitières cet été. L'éleveuse, installée à Elliant, près de Rosporden dans le Finistère, n'a guère eu le choix.
Face à des stocks de fourrage constitués au printemps qui se réduisent comme peau de chagrin, elle a dû resserrer son cheptel. "Je joue la prudence et la sécurité, dit-elle. Ma récolte d'herbe, cette année, équivaut à un tiers de ce que je récolte habituellement. Elle est censée me servir en hiver mais je puise déjà dedans pour nourrir mes bêtes".
Production en baisse
Véronique, qui produit du lait bio, sait aussi que le rendement de maïs sera bien inférieur aux autres années. "Je vais avoir six tonnes de matière sèche au lieu de 12 avec seulement 25 % de grains. Les tiges sont moins hautes, parfois sans épis, les grains sont minuscules. Il sera moins bon forcément".
Si le maïs est une source d'énergie dans l'alimentation des vaches, l'herbe permet un apport en protéines. Sauf que les prairies ont grillé sous l'effet de la canicule et avec elles, l'excédent de pâturage mis en bottes pour les rations hivernales. "Cela aura des incidences sur la qualité du lait ainsi que sur la quantité" prévient l'éleveuse qui constate déjà une baisse de 30 % dans sa production de lait. Une vache qui mange moins et moins bien, fabrique moins de lait, c'est mécanique.
"Le prix du lait le plus bas au monde"
Même scénario chez Romain Marc'h, éleveur à Douarnenez. Il produit 300 litres de lait en moins chaque jour. Le jeune homme, à la tête d'un cheptel de 100 vaches depuis 2019, n'a pas l'intention d'acheter des aliments, tels que le soja ou le colza, pour compenser le fourrage manquant. "Je n'en ai pas les moyens, analyse-t-il. La tonne de soja avoisine les 500 euros. Les cours explosent puisqu'elle chiffrait à 300 euros il y a deux ans. Le calcul est vite fait, vu ce que le lait me rapporte. Je touche 405 euros les mille litres. On a le prix du lait le plus bas au monde".
Alors pas question pour ce jeune agriculteur de fragiliser un peu plus sa trésorerie. "Je ne suis pas le seul dans ce cas, ajoute-t-il. Plutôt que de se fournir ailleurs, on produira moins de lait et ce que l'on produira sera dégradé puisque à faible teneur en protéines. Ce qui veut dire une perte d'argent supplémentaire car la qualité n'y sera pas".
Double peine
Christian Hascoët parle de "décroissance laitière, à la fois conjoncturelle à cause de la sécheresse et structurelle parce que peu de jeunes arrivent dans le métier". L'éleveur, basé à Guengat près de Quimper, sait que la situation actuelle ne risque pas de créer des vocations. "On subit la double peine, observe-t-il. D'une part, on est plus mal payés que nos collègues européens et d'autre part, on va devoir baisser notre production de lait car on n'a pas de fourrages ni en quantité ni en qualité suffisantes".
En quarante ans de métier, l'homme dit "n'avoir jamais connu ça en Bretagne. Des champs qui ont soif, des bêtes qui ont faim. Quand vous découvrez que vous ne pourrez plus nourrir vos animaux, le choc économique est fort et le choc psychologique l'est également".