Une plage, une histoire : la cale de Beg-Meil, un lieu d’inspiration pour Marcel Proust

Située sur la commune de Fouesnant-Les Glénan, dans le Finistère, la plage de la cale est au cœur de la station balnéaire de Beg-Meil. A la fin du XIXème siècle, l’écrivain Marcel Proust, à la santé fragile, s'y ressourça et y entama la rédaction de son premier roman.

Les cabines de plage ont disparu, mais pour le reste, la plage de la cale telle que l’a connue Marcel Proust en 1895 a peu changé.

C’est sur le même débarcadère que le jeune dandy parisien, âgé de 24 ans, accoste le 8 septembre 1895. Il est accompagné de son ami, le compositeur Reynaldo Hahn, âgé de 21 ans.


Sous le charme de Beg-Meil


Les deux jeunes hommes arrivent de Concarneau, après avoir visité Belle-Ile et Quiberon.
Pour Philipe Dupont-Mouchet, auteur du livre «  Marcel Proust à Beg-Meil », « c’est par hasard que les deux hommes sont arrivés à Beg-Meil. »

« Depuis Concarneau, on distingue très bien Beg-Meil. On constate qu’il y a une végétation luxuriante, que c’est exposé plein sud, qu’il y a de belles plages et de belles criques. Marcel Proust et Reynaldo Hahn ont eu envie de voir ce qu’il y avait de l’autre côté de la baie. Ils ont donc embarqué dans le bateau à vapeur « Le Léna » qui était en service depuis peu de temps. »

Arrivés sur la plage de la cale, Marcel Proust et son ami s’installent à l’Hôtel Fermon qui surplombe les lieux. Construit en 1886, l’établissement deviendra par la suite et sous le nom du « Grand Hôtel » un lieu de villégiature pour une clientèle aisée. 


Entre terre et mer


Marcel Proust avait entendu parler du charme de ce petit coin de Bretagne par André Bénac, un ami de ses parents. Sur place, l’écrivain et le musicien ne sont pas déçus !

Un pays enchanteur, en dehors du monde, une terre de beauté. Mélange de poésie et de sensualité. Beg-Meil est la plus noble et douce et délicieuse chose que je connaisse.

Marcel Proust,

manuscrit Jean Santeuil

Les deux amis occupent leurs journées très simplement, comme le font aujourd’hui encore les vacanciers qui viennent à Beg-Meil.

« C’est une vie de promenade, de lecture et de rêverie devant l’océan » raconte Philippe Dupont-Mouchet. « Marcel Proust se balade tous les jours. Il va jusqu’au sémaphore, par le « Chemin Creux », ce qui fait une trotte depuis son hôtel ! »

Les flâneries, les longues promenades rythment le quotidien de Marcel Proust et Reynaldo Hahn. La lecture aussi, dans les dunes, à l’abri du vent.
Loin des mondanités parisiennes, Marcel Proust semble apprécier une vie au calme, entre terre et mer.

« Marcel Proust et Reynaldo Hahn sont deux jeunes dandys parisiens qui ne sont pas habitués à la rusticité de cette vie campagnarde, mais ils vont très bien s’y faire. Loin des chroniqueurs mondains, ça leur change la vie ! » souligne Philippe Dupont-Mouchet

Une vie au plus près de la nature… Les pommiers notamment font grande impression sur Marcel Proust ! Sa correspondance en témoigne :

Beg-Meil, les pommiers y descendent jusqu’à la mer et l’odeur du cidre se mêle à celle des goémons. Ce mélange de poésie et de sensualité est assez à ma dose. Lieux charmants où les pommes mûrissent presque sur les rochers, endroit primitif et rare.

Marcel Proust, septembre 1895

septembre 1895

Un nouveau souffle


En plus de la beauté des paysages, la douceur du climat fait du bien au jeune écrivain, asthmatique depuis son enfance.

Venez, nous ferons de grandes marches et le soir vous verrez si vous dormez ! Vous verrez l’air qu’il fait là-bas. Là où nous menons une vie saine et une vie heureuse, nous aimons à croire qu’il réside en effet le secret de la force et le privilège de la beauté.

Marcel Proust,

manuscrit Jean Santeuil


Beg-Meil, un lieu inspirant pour Marcel Proust


Si Beg-Meil est un lieu ressourçant pour Marcel Proust, il tient également une place importante dans la création de son œuvre.

« On peut vraiment dire que l’écrivain adulte est né à Beg-Meil. Lorsqu’il est arrivé, il a eu tout de suite envie d’écrire. C’était frénétique. Il voulait écrire un livre sur la Bretagne… En quelques jours, c’est devenu un roman ! »

Ce livre, c’est un roman autobiographique découvert après la mort de l’écrivain et publié en 1952 sous le titre de « Jean Santeuil ».

« Au cours de mes recherches, explique Philippe Dupont-Mouchet, j’ai examiné tous les feuillets du manuscrit. On en trouve rédigés sur le facturier de l’hôtel Fermon de Beg-Meil ! Il écrivait avec ce qui lui tombait sous la main, car il avait cette frénésie d’écrire. Et cette frénésie, c’est la genèse de l’œuvre de toute sa vie. »

Philippe Dupont-Mouchet a consacré deux années d’études au séjour de Marcel Proust dans la station balnéaire finistérienne ; un séjour trop vite survolé selon lui par les biographes. Car pour lui, pas de doute, ce texte commencé dans le Finistère en 1895 est une ébauche de « A la Recherche du temps perdu », le grand œuvre de Marcel Proust écrit entre 1909 et 1922.

« Dans le manuscrit, on retrouve les thèmes, les épisodes et certains personnages de « A la recherche du temps perdu ». A Beg-Meil, il fait une rencontre déterminante, le peintre Alexander Harrison, qui lui servira de modèle pour Elstir dans La Recherche. Autre exemple, dans « Jean Santeuil », on peut lire le nom Beg-Meil écrit quatre fois puis se transformer en Bec-Meil. Dans le texte, ce Bec-Meil est déjà le nom d’une petite station balnéaire, semblable à Balbec dans La recherche… » précise Philippe Dupont-Mouchet.

Marcel Proust quitte Beg-Meil le 27 octobre 1895, en promettant au directeur du Grand Hôtel d’y revenir. Une promesse qu’il ne tiendra pas.

Mais comme le souligne Philippe Dupont-Mouchet, « Beg-Meil ne l’a plus jamais quitté ».  L’écrivain n’oubliera jamais la petite station balnéaire bretonne et sa plage de la cale. Dans une lettre de 1914, bien des années donc après son séjour finistérien, on peut lire que les impressions de Marcel Proust sur Beg-Meil sont encore très fortes.

J’adore Beg-Meil qui d’ailleurs n’est qu’un clos de pommiers versant sur une baie lente où il est exquis de vivre. Et si vous allez un soir en barque de Beg-Meil à Concarneau, vos rames éparpilleront sur l’eau éblouissante et morte toutes les couleurs du soleil couché.

Marcel Proust,

24 août 1904

 

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