Enfant, Hélène Prigent aimait accompagner sa grand-mère sur l'île Ouessant dont elle était tombée amoureuse. En 2015, elle décide de s’y installer et créée trois ans plus tard "Les îliennes", une maison d’édition qui fait la part belle à la vie insulaire.
C'est la maison d'édition la plus à l'Ouest de l'Hexagone: les éditions "Les îliennes" s'attachent à promouvoir les cultures insulaires sous toutes leurs formes, à commencer par celle de Ouessant, au large du Finistère, où elles sont nées.
"Il y de quoi faire à Ouessant", sourit Hélène Prigent, fondatrice de cette maison créée en 2018 sur "le caillou", petit bout de terre de sept kilomètres sur quatre peuplé de quelque 850 âmes.
"C'est une culture très particulière par rapport au continent. Et puis l'insularité est très forte ici", poursuit cette Bretonne qui avait l'habitude étant enfant de se rendre sur "l'île aux cinq phares" avec sa grand-mère, amoureuse des lieux.
La belle rencontre
Après des années à Paris, dans le monde de l'édition et des musées, Hélène Prigent s'installe définitivement en 2015 dans la maison traditionnelle ouessantine acquise quelques années plus tôt. L'idée de la création d'une maison d'édition prendra forme après une "belle rencontre".
En mars 2017, "Lapin", artiste breton résident à Barcelone, se pose pour un mois avec ses crayons et ses pinceaux au sémaphore du Créac'h, à l'ouest de l'île. Le site, propriété du conseil départemental du Finistère, accueille en résidence des artistes et des auteurs pour des périodes de un à quatre mois.
Tout Ouessant d'un trait de crayon
De ce séjour sur l'île naîtra le livre intitulé "Ouessant, un polop chez les maouts" (2018) qui dépeint au travers de dessins à l'aquarelle l'île, ses paysages, ses phares, ses moutons, ses voitures rouillées et cabossées, ses croix, mais aussi ses habitants et leurs mots saisis au détour d'un trait de crayon.
"Pour lancer la maison d'édition cet ouvrage a été extraordinaire", se souvient Hélène Prigent devant une tasse de thé vert posée sur la table en bois de son salon, où plusieurs chats ont élu domicile. "Il y avait la queue à la maison de la presse lors de la sortie du livre, tout le monde voulait voir son portrait", s'amuse encore l'éditrice.
"Un vrai succès"
Parmi les autres ouvrages publiés, "Ouessant" (2020), un livre de clichés en noir et blanc pris sur l'île entre 1977 et 1984 par le photographe Guy Hersant et accompagnés d'un texte de l'historienne Mona Ozouf, ou une réédition, revue et augmentée, du livre de Louis Cozan, "Un feu sur la mer, mémoires d'un gardien de phare" (2019).
"C'est écrit avec une grande sensibilité. C'est un vrai succès", se félicite Hélène Prigent, mentionnant les 2.600 exemplaires jusqu'à présent écoulés. "C'est un témoignage exceptionnel, aujourd'hui il n'y a plus de gardiens de phare", souligne celle qui reçoit, corrige et met en page les ouvrages depuis son grenier envahi de livres, mais d'où le regard peut facilement s'échapper vers la lande ouessantine, sa côte déchiquetée et sa mer souvent tempétueuse.
Un nouveau souffle pour Ouessant
"Cette maison d'édition témoigne du renouveau constaté depuis quelques années sur l'île", se félicite son maire Denis Palluel. La population de Ouessant est vieillissante mais l'île attire depuis quelques années de jeunes entrepreneurs à la recherche d'une certaine qualité de vie, plus proche de la nature et plus solidaire. Un espace de coworking s'apprête même à ouvrir dans le bourg de Lampaul.
"Il y a beaucoup de gens qui écrivent sur Ouessant et il y a toute une mémoire à faire revivre", souligne le premier magistrat de cette île que l'on rejoint après une traversée d'une heure environ depuis Le Conquet, de deux heures depuis Brest.
"L'île que j'ai tant aimée", le manuscrit d'une Ouessantine du siècle dernier
Et c'est justement un beau témoignage de la culture ouessantine du début du XXe siècle que la jeune maison a publié en décembre sous le titre "L'île que j'ai tant aimée". Le manuscrit inédit, conservé pendant presque cent ans dans un étui de cuir vert, a été écrit par une Ouessantine, Joséphine Masson Bacquet, au début du siècle dernier.
"Ce texte est comme le chant véritable et profond de l'âme d'Ouessant", écrit dans la préface Olivier Py, directeur du festival d'Avignon mais aussi propriétaire d'une maison à Ouessant. C'est "un véritable trésor", assure-t-il.