Louis Brigand est nissonologue. Il est chercheur et son objet d’étude ce sont les îles. Professeur de géographie à l’Université de Bretagne occidentale et membre du CNRS depuis 1978, il s’intéresse à l’insularité qu’elle soit bretonnes ou pas. Il passe régulièrement des séjours sur l’île de Sein, c’est là que nous l’avons rencontré.
Louis Brigand a commencé à s’intéresser aux îles dans le cadre de ses études. Étudiant en géographie, ce sont elles qui sont au cœur de son sujet de maîtrise. Il a d’abord travaillé à Belle-île en mer. Quelques décennies plus tard, il aime se poser à sur l'ile de Sein. Son travail ne se limite pas aux îles Bretonnes, il s’intéresse à tous types d’îles à travers le monde. À ce jour, il peut prétendre avoir posé le pied sur environ 1000 îles.
Mon île préférée, c’est souvent la dernière ou je suis allé où la prochaine ou je vais aller.
Louis Brigand
Louis Brigand a 6 ans la première fois qu'il séjourne à Sein. Il en garde des souvenirs flous et se souvient de nombreux de casiers sur les quais. Il y avait à l’époque beaucoup de pêcheurs.
Sein, un concentré d’insularité
Depuis une dizaine d’années, Louis Brigand vient régulièrement sur cette petite ile finistérienne. Il y réside quelques mois dans l’année dans une petite maison posée sur le quai. S’il a choisi Sein c’est parce que c’est un concentré d’insularité et d'éléments maritimes. Il faut du temps pour y aller, il n’y a qu’un seul bateau par jour, qui ne passe que si la météo le permet. C’est une île toute petite, ½ km², elle n’a pas de relief, elle est très soumise à la mer. « Ici, on entend la mer partout, elle fait partie du paysage sonore ».
Sein est au raz de l’eau et la question de la montée des eaux y est fondamentale. Depuis très longtemps, les îliens ont pris conscience de ce danger et se sont défendus contre cette menace. L’île est entourée de murs qu’ils entretiennent, mais inéluctablement, avec le changement climatique, Sein, comme de nombreux ports sur le Littoral, risque de disparaître un jour.
L’île créée des liens de manière évidente. La géographie de l’île y est favorable.
Les maisons sont construites proches les unes des autres, pour se protéger du vent et des embruns. De ce fait, on se croise, on se rencontre et on discute. Les quais sont des endroits très intéressants, c’est le lieu de l’échange, du partage, on se pose et on discute avec son voisin.
« Quand on part de chez soi, on sait à quelle heure on part, on ne sait jamais quand on rentre, parce qu’on n’a pas la notion du temps vraiment ici. On va faire un tour, on va juste sur le quai et on a croisé Pierre, Paul et Jacques, on va rester discuter et la balade d’une demi-heure, s'est transformée en trois heures. »
Charlyne Le Golvan, Sénane
Le métier de Louis Brigand, c’est l’observation d’un territoire : comprendre les territoires dans lesquels on vit, comprendre le paysage et voir quelle place prend l’homme dedans. Le géographe a pour mission d’essayer de décortiquer tout cela en faisant de l’observation de terrain, mais aussi de l’observation "participante" avec les personnes rencontrées. La part humaine dans le travail de Louis Brigand est essentielle. C’est ce qui le séduit dans ce métier.
« Les Sénans m’ont appris leur île, ils me donnent beaucoup parce que je mets l’homme au cœur de mes recherches. »
Littoral, île de sein, habiter le bout du monde. Réalisation Christian Roche
L’insularité
L'insularité est une notion très géographique qui caractérise la situation de l’île, c’est-à-dire un territoire entouré d’eau. Il y a toujours un "avant" et un "après" quand on vient sur une île. La rupture entre le continent et l’île, plonge la personne dans un état d’esprit bien spécifique, aussi bien pour celle qui y vit à l’année que celle qui ne fait qu’y passer quelques heures.
Les îliens ont un sentiment d’appartenance à un territoire qui donne une identité spécifique. Mais, le statu d’îlien reste complexe, il y a ceux qui y sont nés et qui y vivent, ceux qui reviennent, et ceux qui découvrent.
Même ceux qui viennent à la journée passer quatre ou cinq heures s’approprient l’île. Ils ont ce sentiment d’être îlien le temps de la balade.
Louis Brigand
Louis a travaillé pendant 10 ans sur le sujet des nouveaux arrivants sur les îles. Un mouvement qui s’est amorcé il y a une quinzaine d’année et qui se poursuit aujourd’hui. Pour les îliens d’origine insulaire qui reviennent vers leur racine, il y a une sorte de réappropriation des lieux.
Il y a celles et ceux qui décident de venir s’installer sur une île suite à un coup de cœur qui peut être lié à différentes choses, l’enfance, les souvenirs de vacances, un évènement important de leur vie. Et puis il y a ceux qui ont envie de se reconstruire, l’île est propice à cela. L’image de l’île, c'est la construction, la reconstruction, c’est un territoire d’utopies.
On peut y imaginer une nouvelle vie prometteuse, le lien social y est plus fort, on connait son voisin, on se déplace à pied, il y a une qualité de vie, pas de voiture, du coup c’est aussi moins dangereux pour les enfants.
À force d’aller sur les îles et de bien les connaître, Louis Brigand se sent-il îlien ?
Je ne me considère pas comme un îlien, je suis un ami des îles. Ce que j’aime, c’est d’aller d’une île à l’autre, je suis un peu nomade dans mes pérégrinations insulaires.
Louis Brigand
Grâce aux îles, il a beaucoup voyagé, cela lui a permis de découvrir le monde.
« L’île, c'est une réduction de la réalité, c’est un modèle pour mieux comprendre le monde »
L'actualité de Louis Brigand :
Avec Julie Vallat, ils ont dirigé la publication du très beau livre « Îles : regards croisés sur l’insularité » qui vient de sortir aux éditions Géorama.
En 500 illustrations, 100 auteurs et 80 articles, ce livre, dresse à partir de cinq mots-clés, créer, habiter, relier, innover et protéger, un panorama de la réalité des îles du monde à travers les témoignages d’îliens et les analyses de chercheurs.
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