C’est la catastrophe la plus importante qu’ait connue la baie de Saint-Malo. En novembre 1905, le Hilda, un vapeur qui assurait la liaison trans-Manche a sombré en face de la Cité Corsaire. Le naufrage a fait 125 morts dont 65 Johnnies de Roscoff.
C’était dans la nuit du 18 au 19 novembre 1905. Une nuit de tempête de neige qui longtemps est restée gravée dans les mémoires. La veille au soir, le Hilda devait arriver de Southampton avec, comme à l’habitude, plusieurs dizaines de passagers. Mais le vapeur n’est jamais parvenu à destination. Pris dans la tempête, il s’est abîmé sur les rochers des Courtils, près du phare du Jardin, à quelques centaines de mètres seulement des remparts malouins.Le capitaine Gregory, un Anglais qui connaissait pourtant bien ce secteur dangereux n’a pas pu, semble t-il éviter les écueils alors que la visibilité était quasiment nulle ce soir là. Les rescapés ont raconté qu’il avait aussi voulu accéder aux demandes des passagers victimes du mal de mer, en s’engageant dans la passe malgré le danger. Seul lui aurait pu le confirmer mais il a péri dans la catastrophe.
Les Johnnies en deuil
Au matin du 19 novembre, les sauveteurs vont retrouver 6 survivants, un membre d’équipage et 5 Johnnies sur les 70 embarqués. Des hommes qui, en s’accrochant à la mature, ont réussi à ne pas tomber dans la mer glacée. Car le bateau transportait une majorité de Roscovites et d’habitants des communes alentours partis vendre leurs oignons rosés en Angleterre. Ils rentraient au pays, leur mission accomplie.Le lendemain, 69 corps dont celui du capitaine seront retrouvés sur la plage de Saint Cast. Pendant un mois, la mer ramènera corps et débris de bois sur toute la côte.
Un naufrage parmi tant d’autres
Si le naufrage du Hilda reste parmi les plus terribles en baie de Saint-Malo, il n’est pas le seul. Entre le cap Fréhel et la baie du Mont-Saint Michel, il n’y aurait pas moins de 350 épaves, de la frégate corsaire au bateau de guerre en passant par les chalutiers et les vapeurs. Sans compter quelques avions qui se sont abîmés en mer durant la 2ème Guerre mondiale.Emmanuel Feige, professeur d’histoire et président du club de plongée Emeraude, les connaît toutes. Depuis qu’il a 15 ans, il explore, bouteilles sur le dos et masque sur le visage, la baie et ses trésors immergés. Il leur a même consacré un livre (1).
Son premier souvenir, le plus beau aussi, reste l’épave du Fetlar, un autre vapeur anglais qui a sombré en 1919 près de l’île de Cézembre. Alors que le bateau s’enfonçait dans les flots, un sloop de Granville le Marie-Catherine tenta de lui porter secours mais il sombra à son tour, entraîné par les courants sur les rochers de la petite Conchée où il se brisa. Par chance, ses deux naufrages ne firent aucune victime. Quant à l’épave, elle offre cent ans plus tard, les plus merveilleuses plongées de la baie car elle est très bien conservée. Et lorsque la visibilité est bonne, les plongeurs peuvent nager au milieu d’un véritable musée sous-marin : le pont est encore là, tout comme la chaudière ou l’hélice qui servent de refuge aux poissons. En parcourant les coursives, on peut même apercevoir…une cuvette de WC en parfait état.
Le trésor de la Natière
Mais les plus belles découvertes des plongeurs et des archéologues restent sans nul doute les épaves de la Natière. Deux frégates qui coulèrent en 1704 et 1749 : la Dauphine et l’Aimable Grenot. Elles ont été découvertes en 1995 et fouillées entre 1999 et 2008. Les archéologues de l’ADRAMAR (Association pour le Développement de la recherche en archéologie maritime) et du DRASSM (Département de Recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) ont récupéré 3000 pièces, du boulet de canon aux dés à jouer, en passant par des objets du quotidien ou des pièces de gréement. Ils permettent parfois d’en savoir davantage que les archives papier sur la vie à bord au XVIIIème siècle. Quant aux épaves, elles ont été réensablées depuis sans avoir encore livré peut être tous leurs secrets.Une carte pour localiser les épaves
Des histoires parmi tant d’autres que l’on peut découvrir grâce à une carte intéractive créée par l’Adramar : l’Atlas Ponant. A chaque petit bateau le long des côtes bretonnes, correspond une épave. Il suffit de cliquer dessus pour connaître son nom, son histoire, ses caractéristiques. Toutes, néanmoins ne figurent pas sur l’Atlas qui ne fournit pas non plus les coordonnées GPS précises. Histoire de dissuader plongeurs peu scrupuleux ou pilleurs d’épaves. Histoire aussi de préserver ces trésors engloutis dont la plupart n’ont jamais fait l’objet de véritables fouilles archéologiques.(1) « Les fabuleux trésors engloutis de la baie de Saint-Malo-Cristel Editions
Rencontre avec :
- Henri Fermin (Historien)
- Emmanuel Feige (président du Club St Malo Plongée Emeraude)
- Laetitia Le Ru (archéologue, Association pour le developpement de la recherche en archéologie maritime)
Un reportage de :
- Isabelle Rettig, Vincent Bars et Pascal Nau