À Pont Péan, ce sont plus de 80 maisons bâties sur un sol argileux qui connaissent, à des degrés divers, des problèmes de fissures dans leurs murs. Ce samedi 6 février, les propriétaires se réunissaient pour s'organiser en association et se préparer à une nouvelle bataille juridique.
Des failles qui zèbrent le crépi des façades, des fentes qui circulent le long de la terrasse ou qui lézardent les coins de fenêtres ou de portes, voilà à quoi sont confrontés les propriétaires de maisons bâties sur un sol argileux sur la commune de Pont-Péan (Ille-et-Vilaine). Et à l'intérieur les désordres sont à l'avenant, créant fêlures et craquelures dans les plâtres, cheminées et carrelages.
Au fil des années ces microfissures sont devenues des cassures de part et d'autre du mur
Sur la maison de José Cadicqx, malgré des réparations régulières et l'installation de micro-pieux dans les sols, les failles reviennent, et s'aggravent. En cause l'instabilité du terrain composé d'argile qui s'évapore en période de sécheresse et fait ainsi bouger sols et fondations des maisons.
Les agriculteurs le savent : une terre trop argileuse retient l'eau mais se rétracte en été, puis durçit et craque comme une poterie mal cuite. C'est cette alternance d'hivers pluvieux et d'étés de sécheresse qui fait bouger les sols. Un phénomène qui s'aggrave avec le climat, plus contrasté d'année en année.
L'état de catastrophe naturelle refusé
Jusqu'en 2005, l'ancien maire de Pont-Péan, Jean-Luc Gaudin avait pu obtenir la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Mais depuis 2010 ces situations se multiplient en France et obtenir réparation des assurances devient plus difficile. Aujourd'hui des études de sol ont été rendues obligatoires avant de vendre un terrain constructible ou de construire une maison sur ce type de sol.
À Pont-Péan, l'état de catastrophe naturelle n'est reconnu ni en 2016, ni en 2018. Or sans cette reconnaisance, les assurances ne peuvent pas prendre en charge les dossiers. Certains sinistrés voient les dégâts s'aggraver au fil des années de sécheresse, mais ne peuvent plus financer les réparations. Il existe de nouvelles solutions d'injection de résine mais les travaux peuvent être très coûteux
On ne comprend pas la décision de l'État. Il faut savoir qu'une seule commission ministérielle, en une seule journée travaille sur 1000 dossiers. (..) donc on a fait appel à un cabinet d'avocats spécialisés pour que la commune puisse attaquer l'État.
Créer une association de sinistrés pour mieux se défendre
Le point d'information, organisé par la commune ce samedi, était aussi l'occasion pour des propriétaires de proposer la création d'une association de victimes. Une initiative salutaire pour les sinistrés, souvent très isolés. C'est l'association qui prendra contact avec le cabinet d'avocats. Une nouvelle audience pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle devrait avoir lieu avant l'été devant le tribunal administratif.
Les Pont-Péannais victimes de problèmes sur leur maison peuvent s'adresser en mairie ou écrire à ce couriel : fissures.pontpean@gmail.com
Pourquoi à Pont-Péan ?
Le phénomène des maisons fissurées touche ce bourg au sud de Rennes depuis des années. Une situation rare en Bretagne mais assez répandue ailleurs en France.
Selon le Commissariat général au développement durable, "L’aléa retrait-gonflement d’argiles fort ou moyen concerne un cinquième des sols métropolitains et 4 millions de maisons individuelles" (source lemoniteur.fr du 28/01/2021).
Pour Jean-Michel Schroetter, géologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de Rennes, "la Bretagne, par sa géologie, est l'une des régions les moins touchées par ce phénomène, mais Pont-Péan a la palme", note-t-il. À titre d'exemple, "l'Ille-et-Vilaine est classée au 58e rang des départements."
"Pont-Péan est située sur un petit bassin sédimentaire d'âge tertiaire, d'environ 65 millions d'années, composé d'argile extrêmement gonflante. Alors que l'ensemble de l'Ille-et-Vilaine est composé de roches plus dures, schistes et granits, ce qui explique ce phénomène plus localisé", conclut le géologue.