Le magazine "Citad'elles, le féminin sans barreaux" existe depuis plus d'un. Il est fabriqué au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes par et pour les détenues, mêlant conseils pratiques mais aussi astuces pour conserver leur féminité.
"Il faut essayer de garder sa féminité, ne pas perdre ses repères, ça fait du bien au moral de se maquiller", explique Catherine, l'une des rédactrices du magazine "Citad'elles, le féminin sans barreaux" . Dans ses articles, Catherine aime "faire la chasse aux fausses idées", notamment sur les droits des détenues. "C'est important pour celles qui arrivent, qui ne savent pas et peuvent avoir peur de demander aux anciennes", précise-t-elle."En prison on oublie que nous sommes des femmes"
Dans la salle de rédaction, la course des doigts sur le clavier, parfois hésitants, est de temps en temps interrompue par des discussions animées. Ici il y a des timides, des exubérantes, des fonceuses qui conçoivent un magazine abordant sans concession droits des détenues, cuisine, sexualité en prison, déco, maquillage...Les détenues sont plongées dans la préparation du quatrième numéro avec au menu des articles sur les femmes battues, le travail en prison ou encore la coiffure.
Rester féminine en prison "c'est important pour nous", assure Virginica, concentrée sur son écran. "En prison on est comme des bébés dans une maternelle qui ne savent pas vivre, on oublie que nous sommes des femmes", raconte-t-elle. "C'est un plaisir de se maquiller, dans un miroir on a besoin de se trouver belle, ça fait du bien au moral. Il ne faut pas voir toute notre vie en noir, il faut lui donner un peu de couleur, un peu de positif même si nous avons fait des erreurs avant", assure-t-elle en avouant avec malice qu'avec son premier salaire en prison elle s'est acheté "du maquillage".
"Grande liberté d'expression"
Contrairement à certaines idées reçues, la prison ne veut pas dire costume de bagnard. Les femmes sont en habits civils, et le regard des autres peut parfois être dur. Lorsqu'elle elle est arrivée en prison, Lady J. se sentait "coupable de (se) faire belle". Puis après sa condamnation, lourde, cette esthéticienne a retrouvé l'envie de prendre soin de sa personne.
En pleine rédaction d'un texte de rap, Cloé explique que le travail pour le magazine répond pour elle à "un besoin de (s)'exprimer". "Il y a une grande liberté d'expression, de choix, et on est fières du travail accompli et des retombées que ça a". Davar, elle, fourmille d'idées pour le 4e numéro qui doit sortir début mai. Elle veut tenter de publier une nouvelle policière, "Du rififi en zonzon". Mais elle va aussi faire un article sur un psychiatre, s'attaquer à la pertinence de "vieux proverbes à la con qui nous pourrissent la vie", ou encore écrire sur "les erreurs culinaires devenues des musts". Elle voudrait dénoncer encore bien d'autres choses, mais en citant ses sources et en argumentant, insiste Audrey, une journaliste indépendante qui aide les détenues dans leur rédaction, et les recadre gentiment à l'occasion.
"Plein d'idées et des sujets pas forcément abordés dans la presse féminine"
"Le magazine a trouvé rapidement un écho auprès des détenues", explique Alain Faure, coordinateur du projet pour les Établissements Bollec, un collectif de dessinateurs, auteurs et graphistes. "Nous avons été très surpris dès la première réunion de rédaction, il y avait plein d'idées, et des sujets pas forcément abordés dans la presse féminine classique", assure Delphine, graphiste chez Bollec.
De 36 pages au premier numéro le magazine passe à 40 sur le prochain. En tout 17 ateliers seront nécessaires à l'élaboration du magazine édité à 500 exemplaires, distribué au centre de détention et disponible gratuitement sur internet. L'ensemble est relu par l'administration pénitentiaire mais il y a peu de censure, notent les encadrants.
Mise en service en 1878, la prison des femmes de Rennes est le seul établissement pénitentiaire en France exclusivement réservé aux femmes.