Fête de la musique : les détenus de Vezin-le-Coquet font le plein de décibels avec EZPZ

La fête de la musique a aussi lieu dans les murs. Au centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet près de Rennes, le gymnase a accueilli le groupe EZPZ le temps d’un concert. Ce 21 juin, une scène inhabituelle pour les artistes et quelques secondes de liberté attrapées pour le public.


"C’est la fête de la musique, j’aimerais bien que vous fassiez plus de bordel !". Micro à la main, Fred, chanteur du groupe EZPZ se tient sur une petite scène, installée au bout du gymnase du centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet. Avec son groupe, il vient donner un concert pour les détenus. Il est 14 h. La salle s’est remplie. Une soixantaine d’hommes aura répondu présent, sur une centaine d’inscrits.

Pendant plus d’une heure, Samuel, Fred, Xavier, et Nicolas jouent plusieurs morceaux de leur swing electro. La guitare, la clarinette et les platines résonnent. Dans les rangs, personne n’ose vraiment se lever. Les têtes s’agitent, quelques-uns tapent le rythme, les pieds bougent, des mains se lèvent. Alice Ranarivao chargée de projets pour la Ligue de l’Enseignement 35 a pourtant insisté : "Sentez-vous libre de danser, c’est autorisé."

Les deux derniers morceaux emportent l’adhésion, des détenus esquissent quelques pas de danse. L’ambiance se décontracte. "On a du mal à se lâcher." remarque un jeune homme. Un autre confirme "On a envie, mais on ne va pas au-devant. Il y a trop de décalage entre la fête et la prison, ce qui est compréhensible. Ici on fait toujours attention à se tenir droit. La prison ça stoppe." Il ajoute "Ce moment, ça fait quand même du bien, ça ramène de l’extérieur."


"Il va monter sur scène tout seul ?"


Le concert fini. Le groupe propose un "open mic" (d’ouvrir le micro) à ceux qui le souhaitent. Les quelques volontaires un peu timides finissent par franchir le pas. La voix tremble un peu au début puis le flow finit par sortir, sous les encouragements des autres. Dans l’assemblée, on commente "lui, c’est un écorché vif ça se sent. Le rap c’est pour dire ce qu’il a dans le cœur, pour extérioriser. On l’a poussé, il ne voulait pas le faire et finalement il ne s’arrête plus !".


"Je ne pensais pas que la musique m’amènerait à ça"


Certains détenus ont participé à des ateliers en avril dernier. Ce 21 juin, ils entendent aussi pour la première fois le rendu de leur travail. Quatre sessions de trois heures ont eu lieu, assurées par Fred et Nicolas, membres du groupe EZPZ, sur l’écriture de texte et la MAO (musique assistée par ordinateur). "Je suis content de retrouver ceux avec qui j’ai bossé et d’écouter leur son" dit Nicolas. Fred de son côté affiche une certaine fierté. "Je suis fier d’eux et du travail que l’on a fait, entre le créatif et l’artistique. Le challenge, c’était de leur faire sortir les tripes." Pari réussi.

Mon but c’était qu’ils rappent

Fred a eu de belles surprises pendant ces ateliers. "Beaucoup d’entre eux m’ont ramené des trucs écrits en cellule mais je leur ai dit de ne pas les utiliser." explique-t-il en insistant sur la dimension unique de ces temps-là. "L’écriture nous a amené au débat d’idées, à des confrontations." 

Plusieurs se sont révélés, passant de l’écriture à la voix alors qu’il n’avait jamais rappé. Les textes racontent beaucoup la prison, la famille, la drogue, l’alcool, l’avenir, la liberté. "Certains  étaient trop forts, trop sensibles pour être dévoilés aujourd’hui, au milieu de tous." souligne Fred.

Pour les musiciens, jouer en prison demeure toujours particulier. "Ce n’est pas toujours le premier public auquel on pense" racontent Fred et Nicolas. "On a du mal à imaginer ce qu’ils vivent, cet enfermement. Leur peine est irréelle pour moi." "On les a fait se lever, si ça peut les faire sortir même 10 secondes...".  Fred se dit attaché à ce genre de projet "Je ne pensais pas que la musique m’amènerait à ça."confie t-il.


Le projet Sound From


Ce concert en prison s’inscrit dans une plus vaste initiative autour de la musique, avec le projet Sound From. Ce dernier rassemble la Ligue de l’Enseignement, le Jardin moderne, l’association des Transmusicales, l'OSB (Orchestre symphonique de Bretagne) ainsi que l’Antipode MJC Rennes. Un budget annuel de 20 000 euros (supporté par la DRAC, le SPIP et du mécénat) est consacré à l’organisation de concerts (deux par an, pendant la Fête de la musique et les Transmusicales) à des ateliers ou des sorties.

Alice Ranarivao explique "les temps conviviaux sont importants en prison, pour la réinsertion" et d’ajouter "le but ce n’est pas juste qu'ils consomment mais aussi qu’ils s’investissent." L’an prochain, les personnes incarcérées devraient pouvoir choisir les artistes des ateliers, selon le style de musique qui leur plaît.  

 
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