Mère infanticide : "C'est un geste affreux mais c'est un geste d'amour"

La matinée de ce deuxième jour du procès d'une mère ayant mis fin aux jours de sa fille handicapée en août 2010 à Saint-Malo, a été marquée par le récit insoutenable de cet "acte d'amour"

"C'est le 15 août précisément qu'il m'est venu à l'esprit qu'il n'y avait plus de solution", commence Laurence Nait Kaoudjt, 49 ans, d'une voix assurée mais entrecoupée de sanglots.

"J'ai baissé les bras, j'étais épuisée moralement, physiquement. Je ne voyais plus d'issue heureuse, d'issue heureuse en tout cas pour ma fille". 


"J'ai essayé de lui apporter le maximum de bonheur, qu'elle soit heureuse. Je lui ai apporté tout mon amour et elle m'a apporté tout l'amour qu'elle pouvait me donner: nous n'étions qu'une seule et même personne", poursuit l'accusée. 

"Ce 15 août, ma pensée a été : tu peux plus rien faire pour Méline, ça sera de pire en pire, je ne veux pas de cette rentrée scolaire (dans un institut médico-éducatif), je ne veux pas de cette opération (de la colonne vertébrale en raison d'une scoliose). On va partir toutes les deux ensemble", décrit cette ancienne conseillère bancaire. "J'imaginais ma fille souffrir, c'était inacceptable..."

"J'ai dit à ma fille qu'on allait faire le grand voyage"

Face au président de la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, Philippe Dary, qui lui rappelle que, vu de l'extérieur, tout semblait "aller bien", elle répond: "tout allait bien, entre guillemets, parce que le handicap, c'est sept jours sur sept et il n'y a pas de repos". 

"J'ai dit à ma fille, qui me regardait avec ses grands yeux : tu vas faire le grand voyage avec Maman", poursuit-elle. "Notre place n'était plus ici, je n'avais plus à offrir le bonheur ou une belle vie à ma fille. (...) J'ai donné la vie à ma fille et si ma fille (devait) partir, ce sera par moi, et je partirai avec elle", explique cette mère en choisissant précisément ses mots et assumant à tout moment de son récit son choix et son geste.

"Même si le geste est affreux, terrible, je ne l'ai pas perçu comme ça : c'était un geste d'amour", assure-t-elle.


Le jour du drame

Puis Laurence Nait Kaoudjt raconte dans le détail la dernière journée de sa fille, le 22 août 2010. Elle a couché sa fille après lui avoir donné un peu de somnifère et un anti-douleur "pour qu'elle n'ait pas mal". Puis elle a étouffé Méline à l'aide d'une écharpe.

"J'ai dit: Méline, c'est Maman qui t'aime, c'est Maman ma chérie... J'ai dit : Seigneur, prenez mon enfant", raconte-t-elle. "Je lui ai chanté une petite chanson, je suis restée comme ça... et puis au bout de quelques temps, je sais pas, je me suis dit : ça doit être fini". "J'ai retiré l'oreiller sur sa tête. Elle était toute belle... Ses yeux étaient fermés, elle était dans son sommeil (...) Elle avait l'air apaisé, c'était un petit ange", poursuit l'accusée.

"Je lui ai mis ses petits doudous qu'elle aimait (...) une croix et puis après, je l'ai embrassée, je lui ai dit que je l'aimais du fond du coeur puis je me suis occupée de moi", témoigne-t-elle. A l'aide d'une forte dose de somnifères et en se tranchant les veines, elle tente de se suicider mais se réveillera le lendemain matin. "Je serais partie avec ma fille, on aurait dit : c'est un drame de la désespérance et je ne serais pas là à être jugée", résume-t-elle.

Le difficile quotidien d'un parent d'enfant handicapé

La petite Méline ne marchait pas, ne parlait pas, ne pouvait se nourrir ou être propre. Elle portait un corset en raison d'une scoliose. Un handicap lourd à gérer au quotidien qui se situe au coeur du procès. "Vous ne pouvez pas imaginer la solitude des parents d'enfants lourdement handicapés" a lancé l'accusée au président de la cour d'assises.

Cet "acte d'amour", le directeur de l'association Loisirs Pluriel, ne l'excuse pas mais comprend que cette femme ait pu sombrer. Son association oeuvre depuis des années pour développer l’accès aux loisirs et offrir des vacances à des enfants en situation de handicap et ainsi permettre à leurs parents de bénéficier de temps de répit.

Laurent Thomas, directeur de la fédération Loisirs Pluriel

L'accusée encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Après les réquisitions et les plaidoiries, le verdict devrait tomber en fin de journée.
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