C’est un drame pour chaque malade et pour chaque famille. Tous les ans, 2 millions de Français sont soignés pour des maladies mentales. La psychiatrie est aujourd’hui devenue un enjeu national. L'enquête de l'émission Pièces à conviction a enquêté à Rennes et dans le Finistère.
Au cours de sa vie, un Français sur trois sera atteint d’une maladie mentale : dépression, bipolarité, schizophrénie, troubles obsessionnels... Le coût économique et social est évalué à 80 milliards d’euros par an.
Du Havre à Aix-en-Provence, en passant par Rennes et Amiens
Les caméras de Pièces à conviction, le magazine d'investigation de France 3, ont pu pénétrer derrière les murs des hôpitaux psychiatriques pour montrer l’état de délabrement, le manque de personnel ou les méthodes contestées comme l’isolement et la contention. "Mon fils n’a pas dit non à la vie, il a dit non à la contention", témoigne cette mère dont le fils schizophrène s’est suicidé à l’hôpital.
À Guillaume Régnier, l'hôpital psychiatrique de Rennes, un trafic de stupéfiants
Des allers et venues de dealers au sein même de l'hôpital pour vendre de la cocaïne, de l'héroïne, et du crack à des patients. Voilà ce qu'a pu observer un journaliste de l'émission qui a infiltré l'hôpital Rennais pendant 10 jours.
Voici un extrait tourné en caméra caché.
Une pratique reconnue par un infirmier et délégué syndical CGT à l'hôpital Guillaume Régnier, que nous avons interrogé.
Seul face aux malades, seul face aux médecins
Dans une petite ville du Finistère les parents de Kylian sont démunis. Combien de fois la mère de Kylian a redouté le pire et s'est entendue répondre par les médecins "C'est un cas compliqué, on ne sait pas quoi faire".
Chaque jour leur enfant de 13 ans, diagnostiqué Schizophrène depuis ses 8 ans, prend ses médicaments. Cela le calme mais les crises peuvent ressurgir sous le coup d'une émotion. Et dans ce cas, que faire... Attendre, résoudre le problème dans le huis clos familial en espérant ne pas avoir besoin des urgences psychiatriques.
Les chambres d'isolement, une réalité méconnue
En France, les suicides en salle d'isolement sont une réalité d'après l'enquête de Pièces à conviction. Un grand nombre d'hôpitaux sont concernés comme celui en Bretagne où a été enfermé Adrien Gadonna.
Le jeune homme, schizophrène, avait 30 ans et était très aimé et entouré de sa famille à Pleuven dans le Finistère. Jusqu'à sa mort, son père s'est occupé de son grand fils.
À partir de 2014, Adrien effectue des séjours réguliers en hôpital psychiatrique et en chambre d'isolement. 134 jours selon son dossier médical.
Sa famille dénonce les conditions de son dernier isolement, qui lui a été fatal. Un enfermement de 11 jours d'affilés, attaché, qui a conduit à son suicide dans sa salle d'isolement.
Sa soeur ne comprend pas " Qui attache-t-on en France ? Qui attache-t-on et pour quelles raisons, quels buts ? Pieds, mains et tronc, c'est extrêmement violent !"
Placé en isolement dans un hôpital psychiatrique, Adrien finira par se suicider après avoir été attaché 11 jours d'affilée.
— France 3 (@France3tv) April 10, 2019
Ses proches dénoncent une banalisation de la contention dans bon nombre d’établissements en France @PacFTV pic.twitter.com/z544QPaFko
À l'hôpital Guillaume Régnier de Rennes, le reportage montre également un jeune autiste placé en chambre d'isolement, depuis 3 ans... et régulièrement attaché. Une pratique normalement utilisée en dernier recours, lorsqu'il n'est pas possible d'apaiser le patient autrement. Mais qui aurait tendance à se généraliser, faute de chambres suffisantes.
L’enquête révèle à quel point la France est désemparée face à l’urgence psychiatrique
Rares sont ceux qui acceptent de témoigner sur la détresse mentale d’un proche. Pour Pièces à conviction, des familles ont eu le courage de parler, d’accepter la caméra dans l’univers familial, pour dire leur douleur et leur désarroi, mais aussi leur colère aussi face à un corps médical qui n’arrive plus à soigner, faute de moyens.
L’enquête montre aussi comment des patients fragiles peuvent devenir les proies faciles de dealers de drogue à l’intérieur même de certains hôpitaux psychiatriques.
La pédopsychiatrie, vitale pour tenter de guérir dès le plus jeune âge, est elle aussi sinistrée. Il faut souvent attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous avec un médecin.
Des psychiatres ont alerté la ministre de la Santé
Face à cette situation, les 50 millions d'euros promis dernièrement par Agnès Buzyn n’ont pas calmé l’inquiétude et la colère des soignants. L’an passé, une partie des huit milliards prévus n'aurait pas été consacrée à la psychiatrie. A tel point que des hôpitaux sont contraints d’envoyer leurs malades en Belgique faute de place.
Une analyse de la situation
Médecins, patients et famille de malades, représentants de l'Etat, experts, seront aux côtés de Virna Sacchi pour prolonger en débat le travail de l'enquête, évaluer l'état de la psychiatrie en France et en analyser la situation économique et sociétale.
Témoignages en écho à l'enquête, discussions sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la détection des troubles psychologiques dès l'enfance et la prise en charge rapide des patients. Et recherche de solutions pour un engagement accru de la société en faveur d'une médecine psychiatrique moderne, dotée de moyens adaptés et durables et pour une plus grande considération des malades atteints de troubles psychiatriques.
Psychiatrie : Le grand naufrage, une soirée spéciale
Mercredi 10 avril dès 21 heures, une soirée spéciale en 2 parties- 21.00 : Pièces à conviction : Une enquête de 95 minutes réalisée par Raphaël Tresanini
- 22.40 : Pièces à conviction : le débat.