Un fromage fabriqué par assemblage de textures et de saveurs, qui réponde à la diversité de la demande mondiale et génère de nouveaux débouchés pour le lait : le fromage de demain, bien loin du standard traditionnel, s'invente déjà dans un laboratoire de l'Inra, à Rennes.
"Le fromage classique réclame un temps long alors qu'on peut obtenir un fromage en trois ou quatre jours avec un procédé beaucoup plus simple et de façon moins coûteuse", explique Gilles Garric, ingénieur de recherche à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) à Rennes dans l'unité "Science et technologie du lait et de l'oeuf" (UMR-STLO).Un symposium sur le fromage à Rennes du 4 au 6 avril
De nombreuses innovations autour du fromage seront présentées lors de la 10ème édition du "Cheese symposium", qui se tient à Rennes - et pour la première fois en France - du 4 au 6 avril, avec la participation de 31 pays. Y compris ce nouveau procédé breveté, From'Innov, qui permet à la fois de réduire le temps d'affinage et de créer une base de "textures et de flaveurs", facilitant "l'élaboration de nouveaux fromages pour conquérir de nouveaux marchés, en France comme à l'international".Des industriels intéressés par ces fromages
Grâce à ce procédé, on peut obtenir des textures allant de la pâte à tartiner à celle d'un fromage à pâte pressée. On peut ensuite "les aromatiser selon les besoins et les adapter à des marchés différents", explique-ton à l'INRA. "Un assemblage à la carte", relève Gilles Garric. "Avec le même matériel, on peutainsi fabriquer une pâte fraîche le lundi, un camembert le mardi, une pâte pressée le mercredi, etc... (...) On peut faire des produits assez similaires" à nos fromages actuels, assure-t-il, précisant que l'INRA est "en pourparlers avec trois industriels" sur ce projet.
Longue conservation et stabilité dans le temps
Par exemple, "le produit aura l'arôme du camembert" après y avoir introduit "des molécules de camembert produites par des micro-organismes". Le résultat donne "des produits qui se conservent très longtemps, qui sont très stables dans le temps", en partant d'une "matrice initiale, un pré-fromage liquide, adapté aux attentes du consommateur" en matière de calcium ou autre. Pour renforcer l'équilibre nutritionnel, des levains pré et probiotiques peuvent également être incorporés."Les arômes sont produits sur des bases normales, ce ne sont pas des OGM. On fait du fromage avec des micro-organismes vivants que l'on met dans les meilleurs conditions pour les faire produire vite", résume Gilles Garric. "Le procédé ouvre énormément de perspectives (...) C'est un terrain d'innovation
absolument considérable", assure Romain Jeantet, chercheur dans la même unité.
La demande mondiale de produits laitiers augmente
Depuis la fin des quotas laitiers en avril 2015, la production laitière européenne augmente de 1,4% par an, rappelle l'Inra. La production française, elle, a légèrement fléchi, durement frappée par une nouvelle crise du lait mais le pays reste le deuxième producteur européen derrière l'Allemagne. Si les marchés nationaux sont saturés, la demande mondiale de produits laitiers ne cesse d'augmenter, en particulier dans les pays émergents, analyse l'Inra."Développer des fromages adaptés aux demandes locales"
D'où la nécessité pour l'Europe, si elle veut accéder à ces nouveaux marchés, de développer "des fromages fonctionnalisés aux goûts adaptés aux demandes locales", parallèlement à une réduction des coûts de la transformation du lait pour accroître la "compétitivité sur ces marchés du grand export"."Les usages du fromage ont considérablement évolué", y compris en France, où "le plateau de fromage de fin de repas ne représente plus que 50% de la consommation", note Romain Jeantet. "La consommation de mozzarella, le fromage le plus produit au monde, a augmenté de 20% en France", indique-t-il.