Les fausses convocations en justice pour pédopornographie ciblent les mails de milliers de Français. Dernière victime en date : le commandant de la brigade numérique de la gendarmerie, basée à Rennes, qui a reçu un avis d'inculpation signé de son nom.
"Je savais qu'un jour, j'allais être convoqué en justice par moi-même". Et ce jour-là a fini par arriver. Dans sa boîte mail personnelle, ce 18 avril, le lieutenant Sébastien Possemé trouve, en effet, une fausse inculpation pour "pédopornographie et pédophilie" signée de son nom.
"Un comble" écrit dans un tweet celui qui commande la brigade numérique de la gendarmerie nationale dont les bureaux sont installés à Rennes.
L'identité usurpée de ce gendarme circulait sur les fausses convocations depuis des mois. "J'ai été contacté par les victimes qui pensaient que ce mail était authentique, relate-t-il. J'ai senti leur inquiétude, en particulier chez les personnes âgées. Je leur ai expliqué que c'était une arnaque".
"Obtenir de l'argent"
Etre inculpé par soi-même, c'est un peu l'histoire de l'arroseur arrosé. Si Sébastien Possemé aime manier l'humour, l'affaire n'en reste pas moins sérieuse. D'autant qu'elle cible aujourd'hui des milliers de Français. "C'est que l'on appelle le phishing ou hameçonnage, explique l'officier de gendarmerie, qui a d'ailleurs déposé plainte pour usurpation d'identité. Ce hameçonnage est réalisé par des brouteurs, des arnaqueurs opérant sur internet, localisés en Afrique, qui se diversifient sur les pratiques en escroquerie".
Après l'arnaque aux faux sentiments, la convocation judiciaire par e-mail est devenue la nouvelle tendance chez les brouteurs "L'objectif reste le même : obtenir de l'argent" analyse le patron de la brigade numérique de la gendarmerie.
Dans le cas de ces fausses accusations de pédophilie ou pédopornographie, jouer sur la peur est le ressort utilisé. "Il y a pas mal de gens qui vont sur des sites porno, c'est un fait. Imaginez leur réaction quand ils reçoivent ce genre de convocation en justice. Certains vont tomber dans le piège du 'si vous payez, vous n'aurez rien' et se faire rançonner" observe le lieutenant Possemé qui met en garde : "il faut alerter, en parler et ne pas entrer en contact avec ces brouteurs car c'est ce qu'ils recherchent".
Comment repérer l'arnaque
La vigilance s'impose face à ce phénomène d'ampleur. Le commandant de la brigade numérique rappelle que la première chose à faire est de vérifier l'adresse mail de l'expéditeur de ce type de convocation judiciaire. "Si vous êtes convoqué par la gendarmerie et que l'adresse utilisée n'est pas @gendarmerie.gouv.fr, c'est forcément une arnaque, dit-il. Par ailleurs, aucune citation en justice n'est adressée par mail".
Autre point : la formulation du document. Exemple avec cette phrase au ton menaçant : "votre dossier sera transmis aux médias, vous êtes prévenus". Le lieutenant Possemé est formel : "j'ai une pratique de la gendarmerie de plus de 27 ans, des citations j'en ai rédigées. On n'écrit jamais cela".
Enfin, le document en lui-même est un photomontage d'éléments piochés ici et là sur internet.
"Le cyber, une vraie difficulté"
Si le site Cyber Malveillance donne des clefs pour se protéger, le ministère de l'Intérieur, de son côté, a lancé le 7 mars dernier une application Ma sécurité où il est possible de tchater 7 jours sur 7, 24 h sur 24, avec un gendarme ou un policier.
Les gens doivent faire attention à l'usage qu'ils ont des réseaux sociaux
Lieutenant Sébastien Possemé, commandant de la brigade numérique de la gendarmerie
Rassurer et sensibiliser, face aux attaques des brouteurs, est l'une des missions de la brigade numérique créée il y a quatre ans. "Le cyber, c'est une vraie difficulté, note Sébastien Possemé. Les gens doivent faire attention à l'usage qu'ils ont des réseaux sociaux, d'internet, des photos qu'ils diffusent. Ils ouvrent la porte à des réseaux dont les données sont hébergées hors du territoire français".
Sur le darknet, "on peut acheter tout ce que l'on veut" prévient encore le gendarme. Des numéros de cartes bancaires, des cartes d'identités. Et nos adresses mail qui permettent notamment aux brouteurs de nous convoquer en justice en usurpant l'identité de gendarmes et policiers.