Les Prud'hommes de Paris ont débattu mercredi de la réalité du statut d'indépendant de quatre livreurs à vélo de l'enseigne belge de livraison de repas Take Eat Easy (TEE), liquidée en août 2016. Deux étudiantes rennaises sont concernées.

L'audience de deux heures s'est attardée sur l'existence ou non d'un contrat de prestation de service liant les deux parties et sur un éventuel lien de subordination. Les ex-coursiers ont accepté en ligne les conditions générales imposées par Take Eat Easy, un "consentement" qui vaut contrat de prestation, a plaidé l'avocat du mandataire judiciaire.

Ils n'ont selon lui aucune raison de réclamer a posteriori un contrat de travail car ils bénéficiaient d'une "liberté totale de travailler ou non" pour la plateforme et étaient libres de déterminer leur "emploi du temps".

"J'ai l'impression que c'est le monde des Bisounours que vous avez décrit", a ironisé Me Kévin Mention, avocat des ex-livreurs, qui a rebondi sur le lapsus de la greffière ayant évoqué l'entreprise "Take Eat Ecstasy".

"Il n'y a pas de contrat signé" sur papier et seulement "un seul" des quatre livreurs avait le statut d'auto-entrepreneur, pourtant obligatoire pour travailler avec TEE, a-t-il rappelé.

Deux soeurs colombiennes concernées à Rennes

À Rennes, Take Eat Easy a ainsi "continué à faire travailler en toute connaissance de cause" deux soeurs colombiennes, privées de ce statut, faute de permis de travail, en payant leur salaire à un coursier qui ensuite "leur reversait l'argent", a assuré l'avocat des ex-livreurs.

Me Kévin Mention a ajouté que "du début à la fin, les coursiers ont été suivis, ont été contrôlés. On leur donnait des ordres, des points de ralliement. On leur assignait des livraisons à effectuer. On a vu que la partie adverse plaidait qu'ils avaient le droit de refuser les courses qu'on leur donnait. On a montré par d'autres documents qu'ils n'avaient aucunement le choix de refuser une course et c'était noté noir sur blanc. Si jamais ils en refusaient une, ils avaient une sanction. On voit qu'il y avait beaucoup d'arguments en notre faveur. On a un dossier dans lequel on recevait carrément du courrier de la part de Take Eat Easy avec le nom du prestataire à côté. Pour quelqu'un qui est censé être indépendant et qui est censé avoir sa propre entreprise, recevoir le courrier au nom de son prétendu client c'est quand même assez difficile. On a montré par des dizaines et des dizaines d'échanges et de pièces qu'il y avait bien une subordination et donc un contrat de travail".

"Je pense que nos arguments sont meilleurs que ceux de la partie adverse. Dans tous les cas, nous sommes les victimes" a déclaré Wendy Martinez, étudiante rennaise.

Décision le 27 octobre

À un troisième, coursier à Paris pendant neuf mois, il n'a pas versé un seul centime, ce dernier ayant refusé de s'inscrire comme auto-entrepreneur. C'était à lui "de fournir son numéro de Siret" et comme il ne l'a jamais fait, "il n'y a pas eu de prestation réglée", a assumé l'avocat du mandataire judiciaire.

Le quatrième dossier concerne un livreur de Nice, chargé par TEE de diverses tâches allant du management d'équipe à la formation, en passant par le marketing, a résumé son défenseur, sans être contredit.

En tant que "manageur", il "travaillait plus de 80 heures par semaine", avait "une carte de visite au nom de Take Eat Easy" et recevait du courrier en tant que représentant de l'entreprise à Nice, a dit Me Mention.

"Pour un indépendant, on va loin", a-t-il ironisé, réclamant le paiement d'indemnités de licenciement et de congés dûs à un salarié, titulaire d'un contrat de travail. Le conseil de prud'hommes de Paris, qui a déjà examiné début mai les recours de neuf anciens livreurs de TEE, fera connaître sa décision le 27 octobre.


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