Témoignage. "Ma mère voulait que je me marie avec un marin, moi j'étais amoureuse de Camille, il dansait bien"

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Extrait du documentaire "Andrée en son île" de Thierry Compain. "Faire le tour de l’Ile-Grande avec Dédée, c’est comme faire le tour de sa vie". ©FTV
Publié le Écrit par Michelle Ruan

Thierry Compain est réalisateur et a voulu raconter l'histoire de sa belle-mère, Andrée. Un personnage attachant et populaire qui a passé sa vie sur l’Île-Grande dans le nord de la Bretagne. Elle incarnait la mémoire des lieux et des gens. Le documentaire "Andrée en son île", fait le récit d'instants de vie, d'une grande intimité et d'une grande vérité.

Andrée, dite "Dédée" est née dans les années 30, sur l'Ile-Grande, le long de la côte nord bretonne. Elle y a passé toute sa vie et pour rien au monde, elle ne l'aurait quittée.

Ses filles s'étaient éloignées, les unes après les autres, pour aller vivre ailleurs, mais Andrée n'avait pas souhaité les suivre. 

Dans les années de ses 20 ans, employée comme "bonne à tout faire" à Paris pendant deux ans, elle est revenue très vite sur son île pour retrouver ses racines. "À Paris, je me sentais insignifiante " racontait-elle.

La terre et le sable qu'elle aura foulés toute sa vie sous ses pieds, c'était son histoire, son identité, comme des racines, ancrées profondément en elle.

Quand je regarde ma vie, je suis contente, je ne regrette rien, j’accepte mon destin, c’est celle de mon existence. J’ai fabriqué ma trace.

Andrée

Son île, son environnement à elle

L'odeur des genêts et le vent qui caresse le visage, c'était son environnement à elle. Quand l’île était à eux, ils étaient des dizaines d’enfants à courir et à jouer sur les rochers.  

Au milieu des fougères, je marche sur les pas de mon enfance

Andrée

À l'époque, les hommes travaillaient dans les carrières et les femmes pêchaient les bigorneaux et les palourdes, puis ramassaient le goémon blanc. Quelques hommes devenaient marins. "Jeunes filles, en été, il y avait du travail dans les hôtels et les colonies de vacances. Tout était bon à ce moment-là pour gagner un peu d'argent. Il n'y avait pas d’usine à l’époque. Elles sont venues bien plus tard", expliquait-elle.  

Les premiers baisers

Pourtant, les jeunes filles de l'époque croyaient aux romans à l’eau de rose. 

Tellement tenues à la maison, on espérait que ce soit différent pour nous. On attendait le prince charmant.

Andrée

Alors, au mois de mai, appelé aussi le mois de Marie, celui des prières à la Vierge, les rencontres avaient lieu derrière l'église, à la fin des processions. Andrée se souvenait parfaitement du premier baiser avec Camille, là, à la sortie de la messe, juste derrière l'église. " Camille, c'était l’homme de ma vie" disait-elle. Il travaillait à la carrière de pierres à l'époque. Mais ce qu'elle n'a jamais oublié, c'est qu'il dansait si bien.

Ma mère aurait voulu que je me marie avec un marin, mais je suis tombée amoureuse de Camille, il dansait si bien.

Andrée

La noce et l'accordéon

Andrée racontait les bals de noces, les valses et l'accordéon. Des moments de fêtes, pour les jeunes filles de l'époque, toujours sous la surveillance de leurs mères. 

Les mères étaient assises en rang d'oignons sur les bancs, et je voyais, du premier regard, si ça plaisait ou pas à ma mère.

Andrée

Les sirènes hurlantes des adieux

Mais Camille, comme beaucoup d'autres, est devenu marin.

Quand il est parti en juin 1956, Andrée l’avait accompagné à Lannion. "On ne savait pas si on allait se revoir. Même pour la naissance des enfants, il n’était pas là". Avec quatre filles à s'occuper, l’eau à chercher au lavoir, le linge, les papiers, c'était une vie rude pour Andrée et pour ces nombreuses femmes de marins.

Je savais qu'il partirait et qu'il prendrait la mer, dans la terreur des tempêtes qui frappent et ne rendent pas.

Andrée

Et Andrée l'attendait. " Quand il revenait tous les dix mois, il arrivait comme un étranger. Pour les enfants, tout à coup, un monsieur arrivait. Il ne pouvait pas les approcher ", se confiait-elle.  

Puis les adieux des sirènes de navires ont retenti. Camille est mort jeune, comme beaucoup d'autres marins.

Survivante d'un autre monde

Elle n'oubliait jamais. Conteuse de ces années passées sur son île, Andrée racontait son enfance, ses parents, son amour pour Camille, sa vie de femme de marin, les étés tant attendus, les enfants, ses voisins et son cimetière… Elle se définissait elle-même comme "survivante d’un autre monde".

C'est un double récit que nous livre Andrée, intime et universelle à la fois.

"Andrée, en son île" un documentaire de Thierry Compain à voir sur France 3 Bretagne, le jeudi 11 janvier 2024 à 22 h 50 et dès maintenant sur france.tv.

 

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