Témoignage. "On a besoin de câlins, un slow, c'est un câlin de trois ou quatre minutes, c’est fantastique !"

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Le slow, un genre un peu kitsch ?
Le slow : comment une simple danse a codifié les rencontres amoureuses depuis la seconde moitié du 20ᵉ siècle. Extrait du documentaire "Le slow, une histoire d'amour" de Gaël Bizien ©FTV
Publié le Mis à jour le Écrit par Michelle Ruan

Curieux rituel de danse "joue contre joue", le slow révèlerait notre histoire du rapport à l'autre dans ce qu'il a de plus intime. Mais Aujourd'hui, est-il devenu une danse folklore ? Gaël Bizien, réalisateur, interroge chorégraphes, historiens, artistes, sur le sujet dans son documentaire "Slow, une histoire d'amour".

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Le slow est devenu poulaire à la fin des années 50 et l'est resté jusque dans les années 90. Un rituel, voire un phénomène de société qui s'est installé durablement dans les bals et les soirées. Une danse qui a l'avantage de ne nécessiter aucune technique. Tout le monde peut le danser. Ce corps à corps, très lent, expose les danseurs d'une façon subtile et intime, sans moyens de se réfugier dans une recherche de performance ou de vitesse.

"Le slow", pour Orlan, artiste, "c'est avant tout une manière de se comporter avec l'autre."

Crainte, gêne et désir pour une étreinte

Danser un slow, c'est avoir un rapport au temps chronométré, traversé par des désirs, et la peur que la magie ne se rompe. 

La rougeur, le cœur qui bat, les tremblements, l’enjeu, c'est de savoir où mettre les mains, comment prendre l’autre dans les bras.

Christophe Aprill, Sociologue de la danse

Pour l'historienne et danseuse, Sophie Jacotot, "le slow est le sens du toucher. C’est une étreinte. On sent les odeurs, le souffle, une harmonisation sur un rythme commun. Le bain musical est fort et il renforce ce qui se passe dans nos corps ".

On sent ce qui se passe dans le corps de l'autre, on peut fermer les yeux, c'est la sensorialité exacerbée.

Sophie Jacotot, Historienne et danseuse

L'enlacement total

Les danses de couple remontent très loin dans le temps. Au 18ᵉ  siècle, on se tenait uniquement par la main, pour danser le menuet. La valse, elle, renferme sur le couple par un contact qui se fait avec les deux bras. Le tango, quant à lui, permet aux bustes de rentrer franchement en contact.

Et pour le slow, c'est l’enlacement total et le rapprochement des deux corps.

 

Le slow a une importance sociale et sentimentale.

Thomas Guillaud-Bataille, créateur sonore et metteur en scène

Dans les années 60, au moment de la libération sexuelle, cette étreinte libre se développe dans l’espace public. C'est un dérivé du slow fox-trot, cette danse de salon très technique, apparue au début du XXᵉ, et caractérisée par de longs mouvements fluides et continus sur la piste de danse. Pour Thomas Guillaud-Bataille, "le slow, c'est la lenteur qui annule toute forme technique. Il faut juste aller lentement et pivoter sur un axe imaginaire."

Mise en scène des préliminaires

Aux États-Unis, dans les années 60, la jeunesse crée cette gestuelle qui met en scène ce qui précède la relation amoureuse. Mais à l'époque encore très puritaine, le rapprochement des corps est sous la haute surveillance des parents.  

Pour Jean-Claude Bologne, historien du couple, l'émission "Salut les copains" parle à la jeunesse au début des années 60. Sortie de la radio transistor, elle invite à la mixité sociale. L’époque des booms apparaît et il n’y a plus besoin d’aller au bal populaire, beaucoup trop surveillé. La jeune génération affirme son choix et cela marque la fin des bals pour les jeunes". 

Un rapport à l'autre qui change 

Ces normes de rencontres amoureuses et leur approche sentimentale, peuvent être considérées, aujourd'hui, comme obsolètes. C'est un rapport à l’autre qui a changé.

Mais pour les historiens de la danse, l'absence de contact, comme une forme de refus d'interagir physiquement, ne permet pas de faire vivre nos émotions sensorielle et psychologique.

Un slow, cela vaut dix fois mieux qu'un long discours. Il faut le sauver et rapprocher les corps !

Orlan, artiste

L'enjeu de séduction

Le protocole du slow associé à cet enjeu de séduction, peut-être mal interprété aujourd'hui. La jeunesse préférerait des manières plus libres de se rencontrer, en dehors de toute pression sociale et genrée.

Pour Christophe Apprill, sociologue, "C'est un grand vide par rapport à l’amour, si l'on considère la solitude et le manque d'interaction. Derrière les écrans ou la digitalisation, l'approche amoureuse se voit modifiée. Avec le slow, l'incertitude dans la mécanique du passage à l'acte, n'est pas très rentable comparativement à l’efficacité des applications de rencontre". 

Sur une application de rencontre, ça matche ou pas, mais pas de temps à perdre.

Christophe Apprill, sociologue de la danse

Néanmoins, malgré les profondes incertitudes que le slow évoque, la sensibilité et les émotions traversent toujours cette danse et elle continue d'occuper une place dans notre imaginaire.  

Les témoignages recueillis par Gaël Bizien dans son documentaire "Slow, une histoire d'amour" révèlent comment une simple danse a pu susciter autant d'émois depuis la seconde moitié du 20ᵉ siècle.

"Slow, une histoire d'amour", un documentaire de Gaël Bizien à voir sur France 3 Bretagne, jeudi 18 janvier à 22h50, et dès maintenant sur Francetv.fr.

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