Alors que la situation sanitaire se dégrade, le ministre de la Santé a annoncé que les élèves infirmiers pouvaient venir en renfort aux aides-soignants. Au total, cela pourrait signifier 8 000 personnels supplémentaires d'ici à la fin de l'année. Rencontre avec deux étudiants infirmiers rennais
Prêts pour le renfort, mais pas à n'importe quel prix
Manon Robic, 23 ans, est étudiante en 3e année à l'école d'infirmier Guillaume-Régnier à Rennes, tout comme son camarade Jéremy Debeau. Pour le moment, aucun des deux n'a encore été appelé en renfort, mais ils se disent prêts à y répondre. "C'est notre devoir" déclare Manon, "et une belle reconnaissance, là vraiment on prend une posture de professionnel de santé et non plus de stagiaire, ça nous apprend à gagner en autonomie, ce qui peut nous apporter énormément pour notre futur métier." Mais nuance t-elle "le problème c'est que ça peut aussi aller à l'encontre de notre formation, de notre apprentissage et qu'on puisse rater des semaines de stages. Notre formation aide-soignant a déjà été réalisée au début de notre formation et maintenant on est plus dans un processus de professionnalisation" justifie-t-elle.
Inquiétude face à une formation bouleversée
La crise sanitaire que nous traversons, a bouleversé le cursus de ces étudiants. Leurs stages ont déjà été annulés ou suspendus pendant au moins cinq semaines. Et pour certains transformés déjà en renfort aux aides-soignants. Ces futurs infirmiers, qui sont en dernière année d'étude, sont inquiets pour leur formation. Comme au mois de mars dernier, "Je suis toujours prêt, à aller aider, explique lui aussi Jérémy, mais il faut que ce soit aussi un apport, professionnellement parlant, pour qu'à la fin de mon année, je puisse exercer mon travail d'infirmier dans de bonnes conditions et avec un bon apprentissage." Lors de la première vague de la Covid-19, le jeune homme s'est en effet vu proposer un stage en Ehpad. Et il a préféré répondre à d'autres offres. "Au lieu de faire un stage infirmier, on va faire un travail d'aide-soignant. Moi j'étais d'accord pour aller les soutenir, mais être payé un euro de l'heure pour faire le même travail que quelqu'un, c'est ça que je ne voulais pas, sauf si derrière, ça m'apporte pour ma formation. Moi je voulais bien faire mon stage, mais dans un vrai service, pour apprendre et pas pour faire des toilettes pour un euro de l'heure" réagit-il, amer.
"Ne pas sacrifier l'avenir pour sauver l'immédiat"
Ces futurs soignants demandent une meilleure rémunération. « C'est vrai qu'on a l'impression de ne pas être reconnu. En première année, on gagne 28 euros par semaine, 38 euros en 2e année, et en 3e année, 50 euros par semaine, détaille Manon. Et si on ramène ça à l'heure, ça fait une moyenne, d'un euro par heure. Donc vraiment on se demande comment on nous considère ? » "Ne pas sacrifier l'avenir pour sauver l'immédiat" : c'est aussi le mot d'ordre des syndicats étudiants, comme l'exprime un clip, de la Fnesi, la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers
Ce que confirme Bleuenn Laot, présidente de la Fnesi : « On espère avoir une continuité pédagogique, et surtout on espère que notre diplôme ne sera pas un "diplôme Covid". Qu'on aura le temps et qu'on nous donnera le temps d'être formé pour être de bons futurs soignants !»
Lors de la première vague en mars, 81.000 étudiants infirmiers avaient été mobilisés en renfort.