Dans le cadre du 80e anniversaire de la Libération de Saint-Malo, une exposition dévoile les photos de Lee Miller. Dans la cité corsaire, du 13 au 17 août 1944, l'américaine était la seule correspondante de guerre à couvrir les combats. Après la Bretagne, armée de son Rolleiflex, elle poursuivra sa route dans une Europe en ruines, jusqu'aux camps de la mort.
Ce sont 54 photos qui racontent la libération de Saint-Malo. Exposés intra-muros dans la Chapelle de la Victoire, ces clichés ont été retrouvés par miracle par la famille de Lee Miller.
Après la guerre, traumatisée par son périple à travers une Europe en ruines, la photographe avait choisi de les oublier, en les rangeant dans une valise, au fond de son grenier.
Lee Miller, l'ancien mannequin devenue photographe de guerre
Lee Miller n’avait pourtant pas froid aux yeux. Avant de devenir correspondante de guerre, la jeune américaine avait eu d’autres vies, mais l'ex-mannequin, icône des années folles, n’avait pas soif seulement de légèreté.
Quand vient la guerre, elle se fait accréditer par l’armée américaine et débarque le 12 août 44 à Omaha Beach. Le lendemain, elle rallie en stop la cité corsaire. Photographe pour le magazine Vogue, elle vient réaliser un reportage sur le service des Affaires civiles, une organisation créée par les alliés pour assurer la sécurité des habitants. Le problème, c'est que la ville n’est pas encore libérée, les Allemands tiennent toujours l’intra-muros, le Grand Bé, l’île de Cézembre, et la Cité d’Alet, le siège ne fait que commencer.
"Sur une photo, parmi les réfugiés, j'ai reconnu ma grand-mère"
Alors sur place, pendant plusieurs jours, armée de son Rolleiflex, elle va saisir le feu, les destructions et le regard des gens, des soldats, des civils.
"La période de cinq jours qu’elle couvre à Saint-Malo est violente, souligne Muriel Montserrat, commissaire de l’exposition. Mais elle a cette hypersensibilité, quelque chose de très fin, très tendre qui déclenche des fortes émotions chez les visiteurs, avec parfois de belles histoires. Certains reconnaissent des proches".
C’est le cas de Patrick Tuloup. Au mur, dans la Chapelle de la Victoire qui abrite les photos, ce Malouin a reconnu sa grand-mère parmi les habitants évacués de l’intra-muros lors d’un cessez-le-feu.
"Après la guerre, dit-il, quand on la questionnait sur cette période de sa vie, elle parlait très peu, elle éludait. Quand je vois ici son visage, je vois sa tristesse, sa lassitude, son inquiétude. Je comprends ce qu’elle a pu ressentir."
Certaines photos seront censurées
La photographe saisit aussi des moments capitaux de la Libération de la ville.
Le 17 août, Lee Miller est présente pour la reddition du Colonel nazi Von Aulock. Comme elle était là un peu plus tôt pour le bombardement au napalm de la cité d’Alet. "Mais si cette arme avait déjà été utilisée par l'armée américaine, elle était censée rester secrète, rappelle Muriel Montserrat. Ces photos seront censurées".
Le reportage de Lee Miller sera publié en octobre 1944 dans le Magazine Vogue. La photo reporter continuera de couvrir le conflit jusqu'à la libération des camps de la mort. Une expérience dont elle ne sortira pas indemne.
Après la guerre, profondément touchée par les scènes de chaos traversées, Lee Miller sera victime de stress post-traumatique, et sombrera dans la dépression.
La photographe est décédée chez elle en Angleterre, en 1977.
Exposition : Lee Miller, Saint-Malo Assiégée, 1944. Jusqu'au 29 septembre 2024 à Saint-MAlo