Depuis plus d'une semaine, Leslie et Julien Romagné, les seuls mytiliculteurs de l'île de Groix, dans le Morbihan, ont lancé une cagnotte solidaire pour sauver leur exploitation de moules. Cet été 2024, une importante partie a été décimée pour une raison inexpliquée. C'est également un patrimoine insulaire qui se retrouve menacé.
Les moules de Groix sont en danger. Depuis cet été 2024, Leslie et Julien Romagné, les seuls mytiliculteurs de l'île, située dans le Morbihan, voient leur trésorerie s'amenuiser pour une raison encore inconnue. Ils ont perdu 70 % de leur exploitation et tous leurs naissains, les moules qui auraient dû assurer la production de 2025. Face à cette année blanche à venir, ils ont lancé une cagnotte en ligne.
Des mollusques avec un taux de chair faible
En juin dernier, "alors que c’est une saison où les coquillages sont en pleine croissance et se garnissent en chair", ces derniers ont vu leur croissance s’arrêter. Au lieu "d’être à 35 % de taux de chair, on était à 10/15 %".
Dans un premier temps, le couple a pensé à un phénomène naturel, comme une période de reproduction. Dans ces cas, les moules maigrissent également, indique la productrice. En juillet, après une période d’interdiction de ramassage des coquillages, dû à la présence d’un plancton toxique dans l’eau, le constat a été le même.
10 tonnes sauvées sur une production annuelle normale de 110 tonnes
Julien et Leslie sont alors intervenus pour sauver au maximum leur parc de production. "On a sauvé à peu près 10 tonnes de moules. On a récupéré sept tonnes à la main. Si elles se regarnissent, on peut passer de 10 à 12 tonnes", explique Leslie Romagné. C’est en novembre qu’ils sauront quelle quantité ils pourront commercialiser. Un résultat bien maigre comparé aux 110 tonnes d'une année de production normale.
Fin juillet, ils ont sollicité les affaires maritimes en déclenchant le REPAMO, le réseau de surveillance de l’état de santé des coquillages du littoral français, afin de détecter des infections. "On a aussi lancé des analyses de notre côté sur tous les produits connus qui auraient pu causer des choses sur nos moules." Toutes les analyses n'ont pas abouti.
Leslie pense à une pollution marine lors de la période mai/juin. Comme ces mollusques filtrent des quantités énormes d’eau, "elles ont pu se détoxiquer", rendant les investigations plus difficiles à mener, suppose-t-elle.
Une année 2025 blanche à venir
Parmi les pertes, la plus importante est celle des naissains. "Ce sont ces moules qu’on met en production pour l’année suivante. Pour commencer à vendre en avril 2025. En juillet, on a perdu tous ces bébés moules." Le couple espère désormais pouvoir remettre en place le système d’élevage en mars 2025, afin de produire et de les commercialiser pour avril 2026.
En attendant, la trésorerie de l’entreprise est en péril. Une année blanche, cela correspondent à 250 000 euros à compenser. La cagnotte mise en place doit "permettre de se maintenir un petit peu jusqu’en janvier prochain", le temps qu’ils trouvent des solutions pour des activités temporaires, en 2025. Comme des prestations pour faire fonctionner leur bateau mytilicole, ou encore de convertir leur concession pour pouvoir produire des algues. Mais aussi pour maintenir le seul des trois salariés resté.
Un "patrimoine français" à sauver
Julien et Leslie recherchent également des solutions d’aides financières auprès des collectivités locales. Ils doivent être reçus dans les prochains jours par l’agglomération de Lorient.
Si le couple "ne veut pas baisser les bras", c'est aussi parce que les moules de Groix représentent "une partie du patrimoine français", souligne Leslie Romagné. "On a un produit complètement atypique. On est les seuls producteurs sur Groix. On travaille à 100 % sur Groix. Il n'y a personne d'autres en France qui travaille en 100 % insulaire. Ça donne un petit cachet supplémentaire à notre produit."
C'est ainsi que depuis sept ans, à la tête de leur concession, le couple a suscité l'intérêt des restaurateurs bretons et parisiens. "Tout le monde est d'accord pour dire qu'on ne peut pas disparaître. Il faut vraiment se battre. C'est un produit patrimoine."
La productrice indique aussi que Groix a été précurseur, en tant "que premiers parcs de filières de moules de pleine mer en France et en Europe".