Pollution et recul de la biodiversité. Une nouvelle étude scientifique accuse les pesticides agricoles

Selon les conclusions d'une enquête scientifique collective menée par 46 chercheurs pendant deux ans, l'ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins, notamment côtiers, de France métropolitaine et d'outre-mer sont contaminés par les pesticides utilisés en agriculture. Avec de lourdes conséquences sur la biodiversité. Parmi les régions concernées, la Bretagne, première région agricole française.

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PPP : Trois lettres pas forcément connues du grand public.

Les PPP pour Produits Phytopharmaceutiques. Autrement dit, les pesticides principalement utilisés dans les champs pour traiter les cultures.

Selon une expertise scientifique collective, dont les conclusions viennent d'être rendues publiques, ces PPP sont à l'origine d'une pollution généralisée en France métropolitaine et en Outre-Mer. Et un des acteurs majeurs dans la mise à mal de la biodiversité.

Les sols, l'air, mais aussi les cours d'eau, les littoraux, les océans, les sédiments : rien n'échappe à ces contaminants chimiques. Un constat qui fait suite à deux années d'études menées par 46 chercheurs dont plus de la moitié travaillent pour l'Ifremer et l'Inrae. Une vaste enquête commandée par les ministères de la Recherche, de l'Agriculture et de la Transition écologique.

Ils sont partout et contaminent tous les milieux

Wilfried Sanchez, chercheur à Ifremer


Selon Wilfried Sanchez, directeur scientifique adjoint de l'Ifremer, et l'un des trois  pilotes scientifiques de cette enquête, "ces pesticides sont partout et contaminent tous les milieux". En fonction des propriétés de chaque molécule, l'impact va différer.

"Les insecticides, qui sont majoritairement hydrophobes (qui n'aiment pas les milieux humides), vont surtout impacter les sols et les sédiments mais aussi s'accrocher aux particules en suspension dans l'air ou dans les tissus des organismes." indique le chercheur de l'Ifremer. Et il ajoute que "les herbicides, eux, vont plutôt se retrouver dans l'eau. Quant aux fongicides, on les voit un peu partout."

Une situation inquiétante révélée par le travail titanesque de cette équipe de chercheurs. Ils ont épluché plus de quatre mille références scientifiques internationales publiées depuis 2005. Le but, réaliser une photographie la plus précise possible de l'impact de ces produits chimiques sur la nature. Le tout en s'assurant que, seules les données transposables en France, soient utilisées.

L'agriculture, responsable à plus de 95 % 

Si ces produits chimiques sont utilisés pour traiter les jardins et les espaces verts, cette étude précise que "l’agriculture est identifiée comme la source majeure d’introduction des PPP dans l’environnement." Une responsabilité de 95 à 98 % selon l'enquête.

"Conséquence, les espaces agricoles, y compris les cours d’eau qui les traversent et les masses d’air qui les surplombent, sont les plus contaminés par ces substances chimiques" précisent les chercheurs.

La Bretagne fait partie des zones concernées

Wilfried Sanchez Chercheur à Ifremer

Même si l'expertise "n'est pas une étude géographique,  département par département, région par région", les chercheurs affirment que toutes les zones agricoles sont concernées par cette contamination généralisée. En clair, la Bretagne, première région agricole de France fait bien partie des zones où les pesticides provoquent d'importants dégâts sur l'environnement.

En tout, 294 substances chimiques actives sont autorisées en France. Elles sont à l'origine de la mise au point de plus de 1500 références commercialisées dans le pays. 

Seulement voilà, les milliers d'études scientifiques décortiquées par l'enquête n'ont pas permis d'étudier toutes les substances en circulation. "C'est ce que les scientifiques appelle l'effet réverbère" indique Laure Mamy, elle aussi pilote de cette enquête pour le compte de l'Inrae (Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement). Cette spécialiste des sols précise que "certaines molécules sont très peu connues car leur impact est faible à priori. D'autres au contraire, sont beaucoup plus observées car leur impact sur l'environnement est plus visible". Parmi les pesticides les plus étudiés, les néonicotinoïdes souvent cités dans la surmortalité des abeilles ou encore le glyphosate, "Mais beaucoup de molécules n'ont pas été étudiées par la communauté scientifique" ajoute-t-elle.

Les PPP, des acteurs majeurs de réduction de la biodiversité

Selon cette enquête, une chose est prouvée scientifiquement. Les PPP "se placent au quatrième rang des facteurs directs pesant sur la nature", derrière le réchauffement climatique, l'exploitation des organismes comme la pêche et la modification des terres, pour l'urbanisation ou la déforestation, par exemple.

D'après cette nouvelle expertise scientifique, ces produits phytopharmaceutiques sont impliqués dans le déclin de nombreuses espèces. Selon Wilfried Sanchez de l'Ifremer, les choses sont claires. "Ces pesticides sont des contributeurs majeurs du déclin de la biodiversité avec des effets directs et aussi indirects".

Les huitres ou les dauphins sont plus sensibles à certaines maladies lorsqu'ils ont été en contact avec des pesticides

Laure Mamy, chercheuse à l'Inrae

Parmi les effets directs, "la diminution de population pour les invertébrés terrestres et aquatiques comme les crustacés des cours d'eau mais aussi les papillons, les abeilles, les coccinelle ou les libellules. Sans compter les effets avérés scientifiquement pour le déclin des oiseaux et notamment les oiseaux de prairies"

Pour Laure Mamy, "il y a aussi des effets sur certains organismes. Par exemple, les huitres ou les dauphins sont plus sensibles à certaines maladies lorsqu'ils ont été en contact avec des pesticides."

Des PPP qui ont aussi des effets indirects. "Les insecticides vont tuer des insectes qui étaient la nourriture de certains oiseaux". Autre exemple, la destruction des habitats de certaines espèces. "En éliminant certaines végétations qui étaient des abris pour les insectes ou de certains rongeurs" précise Wilfried Sanchez.

Développer les leviers d'actions pour réduire la contamination

Si l'étude permet de faire un état des connaissances scientifiques sur les pesticides et leur l'impact sur les écosystèmes, les scientifiques ont aussi mis en exergue les actions pour tenter de réduire la dispersion des produits phytopharmaceutiques dans l'environnement.

"Il y a bien sûr la réduction des quantités utilisées" indique la chercheuse de l'Inrae. Mais pas seulement. D'autres solutions existent comme une application plus efficace "en utilisant par exemple des pulvérisateurs plus performants. Mais aussi en recourant davantage à des couvertures végétales pour piéger les produits et éviter leur ruissellement" prévient-elle.

L'étude met également en avant la plantation de haies pour stopper la propagation des PPP par les vents ou encore  la création de plus grandes surfaces de zones-tampon comme des friches ou des bandes enherbées.

Il y a des marges de manœuvre côté règlementation

Wilfried Sanchez, chercheur à Ifremer

Autre moyen d'agir, indique Wilfried Sanchez, "l'amélioration de la règlementation européenne (déjà l'une des plus strictes et les plus protectrices au monde). Il y a une marge de progrès à réaliser. Avec notamment une plus grande surveillance des effets de ces produits après leur autorisation de mise sur le marché."

Et la mise en place d'une "évaluation des effets indirects concernant les mélanges de pesticides qui se retrouvent au final dans les cours d'eau et les mers" ajoute le chercheur de l'Ifremer.

Un effet "cocktail" comme disent les scientifiques qui n'a jamais été évalué mais qui pourrait être explosif à l'encontre de la biodiversité.

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