En 1970, sur l'une des plages de son album Amour Anarchie, Léo Ferré dépose une chanson de quasi six minutes qui va bouleverser son public. La Mémoire et la Mer a été écrite sur l'Ile du Guesclin entre Cancale et St Malo, le rocher breton du poète monégasque
Léo Ferré chante l'une des premières versions de sa chanson en septembre 1969 chez son ami l'écrivain Paul Guimard dans le Finistère. La chanson ne s'appelle pas encore la "Mémoire et la mer" mais "Ma Bretagne à moi". Et jusqu'à sa sortie sur disque en 70, elle va encore évoluer. Elle est le fruit d'un immense travail à la fois d'écriture et de découpage.
L'histoire commence avec l'achat par Ferré en 1959 d'une île à Saint-Coulomb en Bretagne. Le rocher s'appelle Guesclin, et c'est le nom que Ferré décide de donner au premier chapitre d'une oeuvre qu'il baptise les Chants de la fureur, et qu'il commence à écrire en 1960. Guesclin compte 55 strophes, 440 vers ! Pour La Mémoire et la Mer, Ferré va trancher, et ne garder "que" 10 strophes de 8 octosyllabes.
Une chanson que Robert Belleret, journaliste écrivain spécialiste de Ferré, qualifie d'immense divagation lyrique et autobiographique. Une poésie non pas hermétique mais cryptée. Dont Ferré affirmait être "la clé"... et dont seuls ses proches avaient le double. Il fallait avoir accompagné Léo en haut du rocher de Guesclin ou partagé quelques instants de sa vie sur l'estran pour comprendre "le fantôme de Jersey", "le trémail de juillet", "le loup solitaire", et "les doigts du sable de la terre".