Ce soir l'Enquête au Centre s’attache à suivre le travail des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation. Un métier dont l’enjeu est d’accompagner la réflexion du condamné autour du passage à l’acte pour en comprendre les moteurs et éviter la récidive.
L'incarcération n'est pas la seule réponse pénale. Voilà l’esprit de la future réforme que la Ministre de la Justice s’apprête à présenter le 14 avril à l’Assemblée Nationale. En 10 ans la récidive a plus que doublé (de 4,4 % en 2000 à 11,1 % en 2010). Christiane Taubira veut en faire un enjeu de société.
Enquête de Fabienne Marcel, Isabelle Racine et Stéphanie Teissier
Ces dernières années, en France l’accent a été mis sur la récidive. Cette focalisation sur le « risque criminel » a entrainé un durcissement pénal et l’accroissement de la population carcérale.
Les prisons françaises ont battu un nouveau record en juin 2013, avec 67 977 prisonniers pour seulement 57 325 places. Et en Région Centre, la situation est symptomatique. Dans le Loiret par exemple, pour 100 places, ils sont 202 prisonniers !
«Nos prisons sont pleines, mais vides de sens.» Cette formule est de la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Dans sa future loi pénale, la Ministre de la justice demande que la prison ne soit décidée qu’en « dernier recours ». Elle propose de revenir au principe d’individualisation des peines au nom de "la situation personnelle, sociale et économique de chaque prévenu". « Le choix des sanctions requises doit être juste et adapté », ainsi, la ministre met en avant la procédure permettant d'écarter l'application de peines planchées, cette loi symbolique de la politique mise en place par Nicolas Sarkozy,
La garde des sceaux veut également miser sur la réinsertion sensée réduire la surpopulation carcérale et lutter contre la récidive.
Pour établir cette future loi, la Garde des Sceaux a choisi la méthode de la conférence de consensus, une première dans le monde de la justice. Cette méthode est habituellement inspirée du monde médical. Il s’agit de réunir une assemblée constituée de chercheurs, de représentants d'organisations syndicales et d'associations, de magistrats, d'avocats et de parlementaire, d’associations de victimes, pour rédiger des propositions de réforme. (http://conference-consensus.justice.gouv.fr/ )
Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) en première ligne dans le combat contre la récidive
Un métier peu connu, pourtant comme les bracelets électroniques, ils ont 10 ans d’existence.
Leur rôle: accompagner les condamnés qui effectuent leur peine dans la société. En France, ils sont 2800, et gèrent en moyenne une centaine de personnes, quand leurs homologues suédois se limitent à 25... Dans le Loiret, les CPIP gèrent jusqu’à 180 personnes par conseillers ! Dans ce contexte, leur action devient difficile. Ils se contentent souvent de vérifier que les personnes suivies « pointent » régulièrement dans leur service ou au commissariat, sans avoir la possibilité de mettre en place un véritable accompagnement social (aide à l’emploi ou à la formation, démarches familiales etc.).
Après plusieurs manifestations du personnel de l’administration pénitentiaire, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault a annoncé la création de 1000 postes d’ici 2017 dans les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). L’objectif : ramener à 40 le nombre de personnes suivi par chaque conseiller CPIP.
La future réforme pénale a essuyé bien des orages, mais est arrivée à bon port. Le Conseil d'Etat a validé le projet de loi de Christiane Taubira. Il arrivera enfin en débat au parlement en avril prochain. L’enjeu est considérable. Si la ministre de la justice échoue, c’est une politique pénale clairement identifiée à gauche qui serait mise à mal et pour longtemps.