Organisé par le salon du livre d'histoire de Versailles, le prix du Youtuber d'histoire voit s'affronter deux vidéastes régionaux. Place à Benjamin Brillaud, alias Nota Bene, qui vit à Tours.
Il a probablement la voix la plus profonde de tout Youtube. Benjamin Brillaud, alias Nota Bene, c'est plus d'1,5 millions abonnés. Une figure emblématique de la vulgarisation sur internet. Sa chaîne se compose de deux volets : la partie éditoriale, dont il est l'unique capitaine, et les commandes. Départements, musées, monuments, se bousculent au portillon pour une collaboration.
Monuments, batailles, luttes sociales, Moyen-Åge ou Seconde Guerre mondiale, l'homme est curieux et ne s'interdit rien.
Il a été nommé cette année pour la première édition du prix Youtuber d'Histoire, organisé par le Salon du livre d'Histoire de Versailles, qui se déroulera du 24 au 25 novembre. Ils sont deux youtubers régionaux à être en lice. Vous comptiez sur ce critère pour faire votre choix ? Pas de panique.
France 3 leur a posé les mêmes questions sur leur passion pour vous aider à trancher ! Les votes sont ouverts jusqu'au 22 novembre.
Moi, ça a été une passion relativement tardive. Je m’y suis mis après un lycée technique. Je me suis orienté vers une fac d’histoire, parce que justement j’avais envie de m’ouvrir à des domaines plus littéraires.
Ça m’a beaucoup plu, mais je l’ai abandonné au bout de six mois parce que ma passion première c’est l’audiovisuel. J’avais trouvé une entreprise avant même de trouver les études. J’ai été cadreur-monteur, pendant 7 ans.
En 2014, la société dans laquelle j’étais a fait faillite et je me suis dit que c’était une bonne occasion de faire ce que moi j’avais envie de faire, et de renouer avec cette passion naissante de l’histoire.
Je m’y suis mis à fond, j’ai décidé de partagé tout ce que je voulais apprendre.
Moi, depuis que je suis gamin, je regarde des émissions comme C’est pas sorcier. Mais pour moi, Youtube en 2014, c’était un truc pour écouter de la musique, et voilà. Je ne savais pas qu’il y avait des émissions.
Un copain m’a montré des vidéos de physique, de cinéma. J’ai cherché une émission d’histoire et je ne l’ai pas trouvée, je me suis dit que j’allais créer la mienne.
Dans les présentateurs "classique", j’avais été marqué par Henri Guillemin, Alain Decaux. Henri Guillemin, c’est un peu l’ancêtre des youtubeurs : le gars restait deux heures face caméra, et il y allait, quoi ! C’étaient des gens qui me fascinaient un petit peu.
Évidemment, C’est pas sorcier, qui a inspiré toute une génération de créateurs. J’aime beaucoup aussi Confessions d’histoire, d’Ugo Bimar, pour moi, c’est génial.
Je me sers de l’anecdote pour supporter le discours, mais les vidéos ne sont pas centrées que sur ça. Je pars toujours, dans mes vidéos, d’une mort extrême, d’un sport insolite… Et je développe tout le contexte autour, pour bien faire comprendre au spectateur que l’histoire est complexe et ne peut pas se résumer à un fait ou une date. J'y attache énormément d'importance.
Il y a le ton, qui se veut léger, même si ça dépend des épisodes. Je suis un peu plus institutionnel sur les commandes. Sur les podcasts traditionnels, je me lâche un peu plus en termes de langage, on est un peu plus proche du public.
J’utilise aussi beaucoup de références pop culture. Mon public, c’est les 18-35 ans, ils ont les mêmes références cinématographiques et ludiques que moi. C’est important de les utiliser, un affect est déjà créé autour de ces figures-là.
Je dirais qu’il y a des vidéos de vulgarisation qui veulent trop en dire… et d’autres pas assez. Je pense qu’en deux minutes on ne peut pas vraiment développer mais parfois, il faut savoir aller à l’essentiel. On n’est pas là pour écrire une thèse, mais pour donner envie aux gens d’aller un peu plus loin.
Je pense aussi qu’une bonne vulgarisation prend en compte le fait que les gens n’ont peut-être pas certains prérequis, comme moi je ne les avais pas ou ne les ai pas. J'écris toujours avec ça à l'esprit.
J’ai la chance d’avoir une communauté qui est assez bienveillante, assez mature, qui n’hésite pas à échanger et à débattre, à apporter son point de vue. Je fais régulièrement des interventions dans des médiathèques et autres, et il y a toujours du monde.
Avec ma femme (la youtubeuse Calie, de la chaîne Calidoscope, ndlr), on a pu monter notre propre festival d’histoire, les Historiques, ça fait 4 ans et on vend les places très rapidement. Cette année, on a eu 2000 personnes par jour pendant 3 jours donc c’est chouette.
Un beau souvenir, ça reste ma première collaboration avec le musée du Louvres. Ça a ouvert les portes des institutions vers Youtube, qui jusque-là avaient un peu de mal à collaborer avec des vidéastes culture.
Et d’avoir ce musée incroyable pour moi tout seul, puisque c’était un jour de fermeture, ça c’était chouette… Mona Lisa, c’est pas mon tableau préféré. Mais quand je me suis retrouvé tout seul avec la Joconde dans le Louvres, je me suis posé un petit quart d’heure, et j’ai profité.
Je suis très heureux que ce prix soit organisé, après, peu importe le gagnant. On se connaît tous, il n’y a pas vraiment de rivalité, on s’apprécie et parfois on collabore.
Je trouve ça bien que des institutions en dehors de Youtube s’y intéressent un peu et qu’on crée des ponts. Finalement ce concours, c’est ça : un pont entre un festival physique, dans un beau lieu, et l’audience numérique.
Brandon, les premières vidéos, ça m’a fait rire. Je me suis dit : "Mais il est fou d'aller se foutre dans la Manche, jusqu'au torse, avec son costume !"
C’est quelqu’un qui est hyper impliqué dans ce qu’il fait, on sent qu’il a envie de bien faire, et moi c’est ce qui me plaît.
C’est compliqué à dire. Les choses changent tellement vite : est-ce que Youtube sera là dans trois ans ? Moi, je continue à faire mon petit bonhomme de chemin.
Ce qui est sûr, c’est que je continue mes collaborations. Pour moi, c’est une bonne alternative de développement, et ça me permet d’avoir accès à des sources que je n’ai pas d’ordinaire. Je vais aussi continuer les podcasts traditionnels, et on verra où ça nous mène ! Je profite de cette liberté laissée par internet pour faire ce que j’ai envie, et comme j’ai envie.
Benjamin Brillaud est également le réalisateur d'une série diffusée sur Arte, History's Creed. Il a écrit, en 2016, le livre "Les pires batailles de l'Histoire". Il prépare actuellement une bande dessinée, à paraître début 2019.