"C'est une décision catastrophique" : on vous explique pourquoi le glyphosate est de nouveau autorisé pour dix ans

La Commission européenne a renouvelé l'autorisation dy glyphosate ce jeudi 16 novembre, comme le souhaitait la majorité des états membres de l'UE. "Un retour en arrière", fustigent les écologistes. Prise entre deux feux, la France s'est abstenue.

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Après la pudeur de gazelle, les pas d'éléphants. L'année dernière, la Commission européenne s'était contentée de renouveler l'autorisation du glyphosate pour un an, en attendant de voir. Ce jeudi 16 novembre, elle n'a plus pris de pincettes : l'usage du pesticide controversé est réautorisé pendant 10 ans dans l'Union européenne, sans plus de réglementation.

Ce renouvellement a été décidé par 17 états membres de l'Union, quand d'autres ont choisi de s'abstenir. "J'aurais préféré, puisque nous étions opposés à cette décision, que ça prenne la forme d'un vote contre", affirme le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, ce vendredi matin sur France Inter. Mais, "y compris pour des raisons diplomatiques", en particulier vis-à-vis de l'Allemagne, la France s'est contentée d'une abstention.

"Un scandale"

Pour Paul-Emmanuel Boulai, ce vote résume "toute l'hypocrisie du gouvernement qui a de grands discours, mais derrière, rien ne se passe sur le terrain". Agriculteur en bio, en polyculture et élevage de porcs en plein air, il est porte-parole de la Confédération paysanne de Loir-et-Cher. Et, à l'en croire, la décision de la commission est "un scandale", et "un retour en arrière" : "On peut trouver d'autres solutions, ce n'est pas indispensable."

Une affirmation contestée par les défenseurs du renouvellement, même partiel, d'autorisation du glyphosate. Et, en premier lieu, le ministre de l'Agriculture et ancien député de Loir-et-Cher, Marc Fesneau. "Il y a des usages pour lesquels nous sommes aujourd'hui en impasse", a-t-il affirmé devant le Sénat. Si bien que la France s'est, pour l'instant, limitée à interdire sur son sol les usages non agricoles du glyphosate.

Frédéric Gond, agriculteur et président du comité régional des Grandes cultures en Centre-Val de Loire, estime lui aussi qu'il est à ce stade "complexe" de se passer complètement du glyphosate. Adhérent à la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, il évoque notamment l'agriculture de conservation, où le pesticide serait "indispensable" : "Pour le moment, on n'a pas trouvé d'autre moyen. Après, il faut revenir à la charrue."

Car le glyphosate permet de diminuer l'usage du tracteur dans les champs, et évite de retourner la terre. "C'est un gain de temps et de carburant", mais aussi "de stockage de carbone dans le sol, plutôt que de l'aérer".

"La politique du moins pire"

À l'inverse, Paul-Emmanuel Boulai se passe complètement de produits phytosanitaires. Et, s'il reconnaît que le glyphosate permet "de moins utiliser le tracteur", il affirme vouloir "faire un choix fort" :

Je préfère travailler plus le sol et utiliser plus de pétrole que d'utiliser un produit nocif pour les hommes et les animaux. C'est un peu la politique du "moins pire", mais c'est primordial.

Paul-Emmanuel Boulai, porte-parole Confédération paysanne 41

Car l'argument primordial des anti-glypho reste et demeure la toxicité du produit. Ainsi, de nombreuses plaintes ont été déposées contre Monsanto, qui produit le désherbant "Roundup" fabriqué à base de glyphosate. Aux États-Unis, l'entreprise a été condamnée à verser 25 millions de dollars à un homme qui imputait son cancer au glyphosate.

"Je ne comprends pas que la Commission ne prenne pas en cause dans sa décision que de plus en plus de plaignants obtiennent gain de cause", s'étonne Claude Gruffat, eurodéputé Europe Écologie-Les Verts. Il y a bien cette étude, publiée en juillet 2023 par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, selon laquelle aucun "domaine de préoccupation critique" n'a été identifié chez les humains, les animaux et l'environnement. "Tout le monde a lu la première page, mais les 280 autres pages notent des soucis, et disent qu'on ne peut pas considérer que c'est inoffensif", lance l'élu écologiste.

Changement de modèle

D'ailleurs, l'argumentaire du manque de solutions de remplacement ne tient, selon lui, pas debout : "Évidemment que les agriculteurs du modèle productiviste disent qu'ils ne peuvent pas s'en passer. Mais dire qu'il n'y a pas d'autres modèles, c'est faux." Lui plaide pour une réorientation des aides de la politique agricole commune européenne vers "un changement de modèle", et pour "une loi d'orientation agricole à l'échelle européenne".

Dans l'absolu, Frédéric Gond, adhérent FNSEA, n'est pas opposé à un changement de pratiques. Mais "si on veut une agriculture avec des moyens différents qui pourraient engendrer un certain nombre de coûts supplémentaires, il faut que le retransmette. Sur le coût de l'alimentation, et avec les problèmes d'inflation, c'est très compliqué." En résumé, le bio, ça coûte cher à mettre en place, et il faut bien que la différence soit payée quelque part.

Le ministre Béchu a, de son côté, promis de "continuer à baisser les usages [du glyphosate en France], comme nous nous y sommes engagés". Et il y a comme un retard à rattraper. Le candidat Macron avait, en 2017, promis une interdiction du glyphosate en... 2021. Promesse qu’il a depuis regrettée, estimant auprès du Parisien qu’il faut "agir sur ces sujets au niveau européen". Pas sûr que la décision de la Commission lui donne raison.

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