Harcèlement moral : onze ans plus tard, un directeur d'hôpital et un ancien cadre jugés au tribunal

Le directeur de l'hôpital de Saint-Amand-Montrond, Lionel Vidal, et un ancien cadre de l'hôpital doivent répondre de faits de harcèlement moral à l'encontre d'un infirmier anesthésiste. Une audience se tient ce mercredi 20 novembre au tribunal correctionnel de Bourges.

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Les faits se sont déroulés entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2013. Quatre années durant lesquelles un infirmier anesthésiste clame avoir été harcelé moralement par un ancien cadre de santé ainsi que le directeur de l'hôpital.

L'infirmier en question avait déposé une première plainte classée sans suite par le parquet de Bourges. Il avait ensuite déposé une plainte avec constitution de partie civile, dans un premier temps étudié par un juge d'instruction de Bourges avant qu'il ne soit dessaisi au profit d'un juge d'instruction de Nevers. Des rebondissements administratifs et des lenteurs judiciaires qui nous amènent dix ans plus tard au tribunal correctionnel de Bourges. L'audience s'est tenue ce mercredi 20 novembre de 16h à minuit.

Brimades, propos heurtant et sanctions

Selon l'avocate du plaignant, l'infirmier anesthésiste qui exerçait aux urgences et à la maternité de Saint-Amand-Montrond, ce dernier aurait subi "des propos méprisants et dévalorisants", ainsi que des "sanctions systématiques".

Selon Philippe Bonin, ancien délégué du personnel FO et représentant CHSCT de l'hôpital (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) pendant 25 ans et désormais à la retraite, il s'agissait principalement de blâmes. Philippe Bonin, qui en tant que représentant du personnel a défendu l'infirmier, a suivi le dossier dès ses débuts.

"Au total, le plaignant est passé 14 fois devant le tribunal administratif, il y a eu un recours auprès de la cour d'appel de Nantes, un recours en conseil d'État… Tout ça a été gagné par l'infirmier", détaille Philippe Bonin. "Toutes ces sanctions prises par la direction de l'hôpital à l'encontre de l'infirmier ont d'ailleurs été annulées devant les juridictions administratives", détaille Philippe Bonin.

L'infirmier est aujourd'hui en arrêt maladie depuis plusieurs années suite à ce harcèlement moral qu'il affirme avoir subi. Il aurait développé des troubles psychologiques graves et attend désormais "une déclaration de culpabilité". Selon Philippe Bonin, les faits de harcèlement moral avaient été reconnus par l'inspection du travail. "Des préconisations et des directives ont même été données. Mais l'une des dernières directives que le directeur a reçues de la part de l'inspection du travail a été déchirée par Monsieur Vidal en réunion CHSCT. Il a dit que c'était pour respecter la confidentialité et que les femmes de ménage ne puissent pas trouver ce papier… C'est dire le mépris".

Des faits "fermement contestés" par le directeur de l'hôpital

L'avocat de Lionel Vidal l'assure, "les faits sont fortement et fermement contestés". Il appuie que son client a l'intention de s'expliquer de façon très claire à la barre. Car le directeur de l'hôpital de Saint-Amand-Montrond ne pense pas avoir fait autre chose que son travail, dans un service où il y avait des dysfonctionnements récurrents.

"Si exiger de chacun qu'il fasse son travail, c'est harceler son salarié, cela devient compliqué", assène Me Eugène Bangoura, l'avocat de Lionel Vidal. Ce dernier a confié à nos confrères du Berry Républicain vouloir plaider la relaxe. Lionel Vidal est en attendant toujours directeur de l'hôpital de Saint-Amand-Montrond, bien qu'il soit détaché à partir de juin 2014 dans d'autres hôpitaux, avant de revenir en mai 2023. "Il a d'abord été détaché à Montluçon, puis à Marseille avant de revenir à Saint-Amand Montrond", se souvient Philippe Bonin. L'ancien cadre impliqué et jugé pour les mêmes motifs conteste également les faits de harcèlement. Son avocat a également plaidé la relaxe.

Fortes tensions à l'hôpital déjà en 2013

Déjà en 2013, pouvait-on lire dans la presse écrite locale que les conditions sociales au sein de l'hôpital étaient jugées dégradées. Le CHSCT de l'hôpital de Saint-Amand avait demandé une expertise sur les conditions de travail dans certains services de l'établissement, requête accordée par le tribunal de grande instance de Bourges.

Philippe Bonin, désormais retraité, a travaillé 38 ans au sein de l'hôpital. En 2013 il déclare: "On n'a jamais vu ça. Il y a partout une augmentation des tensions". Car le dialogue avec Lionel Vidal semble impossible. "C'est une ambiance inimaginable". De son côté, le directeur de l'hôpital reconnaissait des conditions de dialogue social dégradées et confiait au Berry Républicain : "j'ai clairement des problèmes de relations avec le secrétaire de CHSCT".

Des problèmes relationnels dont Philippe Bonin aurait fait les frais. "Étant donné que j'étais représentant syndical et que je défendais l'infirmier, le directeur m'a suspendu deux fois, j'ai eu quatre blâmes et deux avertissements. Mais moi ça me faisait sourire". Il ajoute: "J'ai connu sur l'hôpital six directeurs, je n'ai eu aucun problème avec cinq d'entre eux, je n'ai eu des problème qu'avec celui-là". Philippe Bonin se souvient également du comportement de l'ancien cadre, également mis en cause dans l'affaire.

"L'infirmier anesthésiste faisant fonction cadre était infect envers le personnel. Il insultait le personnel, notamment les collègues féminines. C'était un personnage odieux qui ne pouvait pas supporter les pompiers. Dès que le SMUR sortait, il ne voulait pas les voir". Un cadre soutenu par le directeur durant sa prise de fonction au service des urgences. "Il y a harcèlement moral de la part de ce faisant fonction cadre, mais aussi de la part du directeur qui n'a pas assuré la protection de ce collègue". Ce cadre a quitté l'hôpital en 2016.

Des procédures longues et qui ont coûté cher à l'hôpital. "Plus de 260 000 euros. C'est de l'argent public gaspillé", déplore Philippe Bonin.

Délibéré le 29 janvier

"Le procès s'est bien passé, avec beaucoup de sérieux, rapporte Philippe Bonin. Tous les points ont été soulevé avec production des preuves,  toutes les questions ont été posée pour faire le lien entre toutes les auditions parce qu'il y avait des pièces qui manquaient au puzzle. C'est un dossier vieux de 12 ans", rappelle l'ancien représentant du personnel. Quant au plaignant, Philippe Bonin précise: "Il tournera la page quand il aura apporté toutes les preuves face aux bêtises et fausses informations qui ont été apporté à cette audience".

La procureure de la République a demandé dix mois de prison avec sursis pour les deux protagonistes. Le parquet déliberera le 29 janvier prochain.

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