La Dr Laura Dumitrascu, venue de Roumanie pour pallier la pénurie de médecins, s’était installée à Vailly-sur-Sauldre (Cher) en avril 2024. Elle a quitté son cabinet précipitamment mi-novembre pour partir exercer non loin, dans le Loir-et-Cher.
La déception et la colère générées par son départ sont à la mesure de l'espoir qu’avait suscité son arrivée. Après seulement quelques mois passés à exercer à Vailly-sur-Sauldre, une commune du Cher de 700 habitants, la Dr Laura Dumitrascu a quitté son cabinet sans en informer ses patients, et laissant sans explication les élus locaux. "Le cabinet était fermé et on était inquiets qu'elle n'ouvre pas. Il n'y avait pas de visites organisées donc j'ai essayé de la contacter et c'est là que, après plusieurs essais, elle m'a précisé qu'elle allait partir, voilà, sans explication, sans vraiment mettre des arguments très plausibles", relate Christelle Paye, la maire de la commune.
"On l'avait accompagnée, on l'avait reçue dans nos familles"
Après le décès de l’un de ses deux médecins, la Dr Laura Dumitrascu avait été recrutée par la communauté de communes du Pays Fort Sancerrois-Val de Loire par le biais d’un cabinet de recrutement. Arrivée de Roumanie, elle devait exercer sur la commune en libéral, dans un cabinet racheté et entièrement rénové par la municipalité. "On l'avait accompagnée, on l'avait reçue dans nos familles. Parce que c'est une dame qui avait quitté son pays, qui avait quitté sa famille. Donc notre objectif était de la recevoir au mieux et de l'accompagner dans sa besogne, pour s'installer."
L’édile oscille entre colère et incompréhension. "Tous les professionnels de santé du secteur l'ont accompagnée. Je pense à la pharmacienne, je pense aux infirmières, je pense aux élus de la communauté de communes. Et puis tous les patients qu'elle a commencé à voir en tant que médecin traitant qui aujourd'hui sont complètement dépourvus, ils sont perdus."
La médecin exerce désormais dans le Loir-et-Cher
Laurent Pabiot, le maire de Sancerre et président de la communauté de communes, ne cache pas non plus son amertume. "Elle est venue quand même une semaine ici avant de s'installer pour savoir si ça lui plaisait. On a fait X visios avant. On l'a accueillie, on lui a fait visiter, on l'a prise en charge. Elle a donné son feu vert au cabinet de recrutement, et elle nous plante. Il n’y a pas d’autres mots. Et puis elle a toujours les clés du cabinet et les patients attendent de récupérer leurs dossiers médicaux. C’est un vrai manque de respect.”
Dans cette affaire, il y a le fond et la forme. Le fond, je ne le connais pas. Je ne sais pas pourquoi elle est partie. Sur la forme, c’est plus que déplorable.
Laurent Pabiot - Président de la communauté de communes du Pays Fort Sancerrois - Val de Loire
La colère est d’autant plus grande que les élus ont appris que la médecin était partie pour exercer "juste à côté, elle n’est pas loin !", peste Laurent Pabiot. La Dr Dumitrascu a en effet pris un poste de médecin coordonnateur à temps partiel dans un Ehpad de Nouan-le-Fuzelier dans le Loir-et-Cher. En parallèle, elle est en train d’ouvrir un cabinet de médecine générale en libéral sur cette même commune. "Si encore elle était partie pour rentrer en Roumanie. Je veux dire quitter son pays, arriver dans un pays inconnu, des traditions de vie différentes, une monnaie différente aussi. Mais ce n’est pas le cas", déplore Christelle Paye.
La communauté de communes demande le remboursement de son aide à l'installation
Contactée, la directrice de l’Ehpad du Centre de rencontre des générations à Nouan-le-Fuzelier, où exerce désormais la Dr Dumitrascu, réfute toute tentative de "débaucher" la médecin. "Nous étions à la recherche d'un médecin coordonnateur puisque ça fait partie de nos obligations en Ehpad. Donc nous avons lancé la recherche dès le mois de mars à l'échelle du territoire et ce médecin, comme d’autres, a répondu favorablement à la rencontre et a validé le fait de passer en tant que médecin coordonnateur, donc salarié pour notre établissement", relate Amina Chbihi, qui précise que son arrivée dans le Loir-et-Cher a été validée par le conseil départemental de l’Ordre des médecins.
"D’une certaine manière, c'est son choix, donc je le respecte. Je n'ai pas à connaître les tenants et les aboutissants d'une relation entre une municipalité et un médecin. Elle est en libéral donc elle fait ses choix et, d’un point de vue déontologique, je n'ai même pas à aborder ce sujet-là avec elle."
Pour autant, le timing interroge la maire de Vailly-sur-Sauldre. La Dr Dumitrascu aurait donc répondu à une recherche de poste en mars alors qu’elle a pris ses fonctions à Vailly-sur-Sauldre en avril. "Est-ce qu'on pense à mal en se disant que c'était prémédité ?", s’interroge Christelle Paye. "Je n'ose même pas avoir cette pensée-là, ce serait terrible. Surtout vis-à-vis de la confiance qu'on lui a mise dans les mains."
La communauté de communes, qui avait versé au médecin une aide à l’installation de 3000 euros, exige désormais son remboursement. La Dr Laura Dumitrascu a fait savoir, par la voix de son nouvel employeur, qu’elle ne souhaitait pas être contactée par la presse.