Dans un village du Cher [2/4] : Le plan d'eau, "le seul atout" de Mareuil-sur-Arnon

A Mareuil-sur-Arnon, l'étang artificiel a longtemps été un moteur économique grâce à sa fréquentation touristique. Mais depuis la fermeture du camping et de la base nautique, les choses ont bien changé, et une question a émergé : le plan d'eau est-il le problème ou la solution ?

Des vaguelettes lèchent un rivage de roseaux jaunis. Au-dessus de l'eau, s'avance sur quelques mètres un ponton de bois triangulaire, telle la proue d'un petit bateau. Mais il est entouré de hautes barrières de fer. Condamné.

Car la base nautique de Mareuil-sur-Arnon n'est plus ce qu'elle était. Sur le large plan d'eau artificiel de ce petit village du Cher, pataugeaient encore il y a une décennie des enfants en vacances, tandis que des pédalos et autres planches à voile se disputaient les courants.
 


Mais en 2014, le camping, dernier équipement touristique du plan d'eau, ferme ses portes. La faute à une nécessité de mise aux normes et de restauration "trop chère pour très peu de visiteurs" selon la maire Véronique Brisson : "La clientèle pour la base nautique n'existe plus. Le plan d'eau que j'ai connu n'existera plus."
 

De retenue industrielle à base de loisirs


Les 30 hectares de cette retenue d'eau artificielle sont d'abord apparus sur la rivière Arnon au XIXe siècle, pour alimenter les turbines des grandes forges du bourg, qui comptait alors plus de 2 000 habitants. La concurrence anglaise aura raison des forges, des écluses et du plan d'eau vers 1870.  

"Le plan d'eau pouvait se recréer naturellement quand il y avait des crues", se souvient Jacques Maillet, 94 ans et habitant du village depuis toujours. "L'hiver 62, il a même gelé deux jours avant Noël, et on s'est beaucoup amusés dessus", complète-t-il.
 
Au début des années 70, avec le développement du tourisme un peu partout en France, le maire Gabriel Auberger flaire l'aubaine, et décide de reconstituer les écluses et de recréer le plan d'eau pour y créer une base nautique. Ce sera chose faite en 1976. "Les gens venaient d'Issoudun pour profiter du plan d'eau", précise Jacques Maillet. Un vrai succès populaire.

En 2012, de nouveaux services, notamment pour camping-cars, ont même ouvert dans un camping tout neuf. "Le camping fonctionnait très bien", se défend Jean-Pierre Pineau, maire de Mareuil-sur-Arnon jusqu'en 2014, et qui souhaite la réactivation des activités nautiques et touristiques. "Les camping-cars qui viennent, ils vont chez le boulanger, ils font le plein chez le garagiste, précise-t-il. C'est de la dynamique pour le village."
 

Le poumon économique du village ?


Un constat que partagent certains commerçants du village. "L'été, je ne bossais plus assez par rapport au potentiel qu'ont le camping et la base nautique", se désole Laurent Gauthier, gérant du restaurant Le Manicet. Face à une baisse de sa clientèle, son établissement a fermé le 31 décembre. Et il note que cette baisse s'est faite "depuis la fermeture du camping".

Les anciens mérites du plan d'eau ont également séduit les nouveaux arrivants. Allan Grondin, boulanger à Mareuil-sur-Arnon depuis trois mois, "espère que la base nautique sera réactivée. Il y a un joli cadre, et c'est notre atout numéro un. On devrait s'appuyer dessus."
 
Il note d'ailleurs qu'il "n'y a rien à faire à Mareuil. Au bord du plan d'eau, les terrains de tennis et de basket sont à l'abandon." Isolée, la seule aire de jeu pour enfants du village est bloquée par une tranchée de boue provoquée par les passages d'engins de chantiers.

Certains nouveaux du village ont même choisi d'y emménager grâce au plan d'eau. A quelques mètres de l'eau, le gîte de l'étang accueille des visiteurs de toute la France, venus passer quelques jours aux abords des vagues.

"Certains ont emménagé ici après avoir passé quelques jours chez nous, parce qu'ils ont aimé le plan d'eau", note Jackie, la gérante.
 

Plan d'eau en voie d'extinction


Pourtant, comme beaucoup de commerces ici, le gîte de Jackie a souffert ces dernières années. "On est là depuis 15 ans, et la fréquentation a baissé progressivement, annonce-t-elle. L'année dernière, on n'a eu qu'une réservation." Et son constat reste sans appel : "Les gens viennent pour le plan d'eau, pour les balades à y faire."

Dans le futur plus ou moins proche, il est d'ailleurs possible que plus personne ne vienne pour le plan d'eau. Et pour cause, il pourrait complètement disparaître. Sous le mandat de Jean-Pierre Pineau, "le fond a été complètement raclé, explique l'intéressé. Mais les écluses ont été tellement mal faites que l'envasement recommence, encore plus fort qu'avant."
 

Alors pour sauver le plan d'eau, on se rejette la responsabilité. "Tout le monde me dit à la préfecture, à l'intercommunalité, au département : "Mme le maire, votre plan d'eau est magnifique !" Mais personne ne veut payer pour", s'agace la maire Véronique Brisson.

"Aux termes de la loi sur l'eau, et s'agissant d'une propriété communale, la commune a une obligation d'entretien régulier", ont tenu à préciser les services de l'Etat. Un entretien à plusieurs centaines de milliers d'euros, que la mairie "n'a pas les moyens de financer toute seule" selon la maire.
 

Le débat n'est toujours pas clôt 


Les hypothèses évoquées sont multiples. "On envisage d'écourter le plan d'eau, de le dévier", explique-t-on à la mairie. Un scénario prévoit même le retour normal du cours de l'Arnon, sans retenue.

Un destin qui anéantirait notamment une zone privilégiée par de nombreux oiseaux migrateurs. La ligue de protection des oiseaux y a d'ailleurs installé un observatoire aux abords du plan d'eau.
 
J'aime Mareuil, association présidée par Jean-Pierre Pineau, a organisé une "journée plan d'eau" pour rappeler aux Mareuillois l'importance de leur pépite aquatique locale. Pour l'occasion, elle a fait venir un aéroglisseur et a remis des bateaux à l'eau.

"Si on laisse le plan d'eau partir, alors le village est définitivement mort", prédit l'ancien maire. Alors le plan d'eau est-il une poule aux œufs d'or décapitée ou une folie des grandeurs ruineuse… Le débat n'a pas fini de faire des vagues.

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Notre journaliste s'est rendu pendant 4 jours dans le Cher. À la suite de ce séjour, différents sujets de proximités ont été réalisés. Pour les découvrir, cliquez sur les flèches ci-dessous.
 

 
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