Said, interprète afghan, a quitté son pays après avoir été blessé par balles par les talibans. Les extrémistes religieux lui reprochent d'être un traître. Réfugié à Chartres, il raconte son métier d'interprète pour l'armée française et ses nuits d'angoisse pour sa famille restée à Kaboul.
Said ne dort plus depuis des semaines. Depuis que ce dimanche 15 août, les talibans ont pris Kaboul, la capitale d'Afghanistan où vivent encore sa mère et sa soeur, c'est encore pire. " Il n'y a plus d'espoir pour la vie en Afghanistan. Ma mère et ma soeur sont restées là-bas. J'ai peur qu'il leur arrive quelque chose à cause de moi et mon travail. Les talibans font ce qu'ils veulent", raconte Said, les mains crispées autour d'une tasse de thé.
Les talibans cherchent à tout prix à me retrouver. Moi et tous ceux qui ont travaillé pour l'armée française et pour les étrangers. Pour eux nous sommes des traitres, des infidèles. Nous méritons d'être tués.
Dix ans au service de l'armée française en Afghanistan
Après avoir remporté de nombreux prix pour ses talents d'interprète, Said est recruté par l'armée française. Pendant plus de dix ans, il suit des cours le matin et part tous les après-midi, parfois jusqu'à très tard le soir, accompagner les escadrons de combattants, les équipes médicales ou encore des démineurs. "L'armée avait besoin de nous. Et nous travaillions pour elle pour que la paix revienne dans notre pays", raconte Said.
Said est né à Kaboul au début des années 80. Il a toujours connu son pays en guerre. Il a même dû être évacué au Pakistan pendant son enfance pour être en sécurité. "Avec le retour des talibans au pouvoir, j'ai l'impression d'être revenu dans les années 80-90. Ils n'acceptent aucun infidèle dans le pays. Et pour eux travailler pour des étrangers c'est être un infidèle."
Deux balles dans le corps pour avoir travaillé pour les Français
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en juin 2019, les talibans l'ont blessé par balles. "Ils sont d'abord venus chez moi et ont tiré dans ma porte d'entrée. Puis ils m'on retrouvé dans la rue et m'ont tiré dessus. Une balle dans le ventre et une balle dans la jambe. Je me suis réveillé dans une petite clinique. J'avais perdu beaucoup de sang. Mais ce n'était pas mon jour pour mourir", se souvient-il.
Avec les talibans, quand on sort de chez soi pour aller faire une course on ne sait pas si on va rentrer vivant
Une demande à l'État français pour que sa mère puisse se réfugier en France
Aujourd'hui avec les talibans au pouvoir, Said est au plus mal. Il ne souhaite qu'une chose : que sa mère puisse le rejoindre en France. "C'est une grande partie de mon coeur qui est restée là-bas. Il y a très peu de possibilités de sortir du pays avec les ambassades fermées. Mais je vais faire d'autres demandes à la France pour qu'elle aide ma mère et nos camarades qui ont aidé l'armée française. On a servi l'armée française en Afghanistan. Je demande à la France de sauver leurs vies."